Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a lancé un avertissement au groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS) qui vient de prendre le pouvoir en Syrie. Lors d’un discours devant un important think tank new-yorkais, il a appelé HTS à respecter ses engagements d’adopter une ligne plus modérée s’il veut éviter de subir le même isolement international que les talibans en Afghanistan.
La mise en garde du chef de la diplomatie américaine intervient après que la coalition emmenée par HTS a pris le contrôle du pays le 8 décembre dernier, mettant ainsi un terme à la guerre civile qui ravageait la Syrie depuis 2011. Ce conflit, déclenché par la répression de manifestations prodémocratie, a fait plus d’un demi-million de morts et poussé 6 millions de Syriens à l’exil.
HTS promet une rupture avec le djihadisme
Mourhaf Abou Qasra, le chef militaire de HTS également connu sous le nom de guerre d’Abou Hassan al-Hamwi, a exhorté l’ONU, les États-Unis et les pays européens à retirer son mouvement des listes des organisations terroristes. Issu d’une branche syrienne d’Al-Qaïda, HTS affirme désormais avoir rompu avec l’idéologie djihadiste.
Mais le secrétaire d’État Blinken se montre sceptique. Il a en effet comparé HTS aux talibans afghans qui avaient eux aussi affiché un visage plus modéré à leur arrivée au pouvoir en 2021 avant de révéler leur vrai visage par la suite:
Les talibans sont restés largement isolés dans le monde car ils n’ont pas tenu leurs promesses initiales. Si le groupe HTS veut éviter cet isolement en Syrie, il y a certaines choses qu’il doit faire pour faire avancer le pays.
Les conditions américaines à la reconnaissance de HTS
Selon Antony Blinken, HTS doit notamment:
- Former un gouvernement non sectaire qui protège les minorités
- Poursuivre la lutte contre le groupe État Islamique
- Éliminer les stocks d’armes chimiques persistants
Le secrétaire d’État considère aussi que HTS peut tirer des leçons de la chute de Bachar al-Assad. Pour lui, le refus catégorique de l’ancien dictateur syrien de s’engager dans un processus politique est l’un des éléments qui ont précipité sa perte. HTS doit donc impérativement parvenir à un règlement politique en Syrie.
L’Afghanistan, un contre-exemple pour la Syrie
Antony Blinken a longuement insisté sur le sort des talibans en Afghanistan pour mettre en garde HTS. Après avoir repris le pouvoir en 2021 suite au retrait des troupes américaines, les nouveaux maîtres de Kaboul avaient fait quelques ouvertures vers les pays occidentaux.
Mais très vite, le gouvernement taliban est revenu à une interprétation rigoriste de la loi islamique, multipliant notamment les mesures liberticides à l’encontre des femmes. Résultat: aucun pays n’a reconnu leur régime comme étant légitime, même si la Chine et les Émirats arabes unis ont accepté les lettres de créance de leurs ambassadeurs.
Pour Antony Blinken, le nouveau pouvoir syrien dominé par HTS doit absolument éviter de suivre la même voie que les talibans s’il veut obtenir une reconnaissance internationale et sortir le pays de son isolement. Mais selon certains analystes, le parcours d’ancien groupe djihadiste de HTS rend une telle évolution pour le moins incertaine.
Les prochains mois seront donc cruciaux pour déterminer si la Syrie parviendra à tourner la page d’une décennie de guerre civile et de chaos ou si elle s’enfoncera un peu plus dans les ténèbres. Les mises en garde américaines sont un premier test pour le nouveau régime emmené par HTS. Mais le chemin vers la normalisation s’annonce encore long et semé d’embûches pour ce pays martyr du Moyen-Orient.