Le gouvernement italien a déclenché une enquête sur Sinochem, l’actionnaire principal chinois du fabricant de pneumatiques Pirelli. Au cœur des préoccupations : de possibles violations d’un décret adopté en 2023 visant à réduire l’influence de Sinochem au sein du groupe italien. Cette affaire met en lumière les tensions croissantes entre les intérêts économiques et les enjeux stratégiques nationaux.
Rome sort l’arme du “Golden Power”
Pour mener son enquête, le gouvernement italien a eu recours au “golden power”, un dispositif lui conférant des pouvoirs spéciaux dans des secteurs jugés stratégiques pour le pays. C’est un outil puissant qui permet à l’État de garder un œil sur les investissements étrangers dans des domaines clés de l’économie nationale.
Le décret adopté en juin 2023 par le gouvernement de Giorgia Meloni visait spécifiquement à limiter l’emprise de Sinochem sur Pirelli. L’objectif : garantir l’indépendance du fleuron italien, sans pour autant contraindre l’actionnaire chinois à vendre sa part de 37%.
Les exigences du décret
Le décret imposait notamment à Sinochem de :
- Garantir à Pirelli une pleine autonomie dans la gestion des relations clients et fournisseurs
- S’assurer que Pirelli ne soit pas soumis aux instructions du groupe Sinochem
C’est justement sur le respect de ces exigences que porte l’enquête actuelle, qui durera 120 jours. Il s’agit de vérifier l’absence de liens organisationnels et fonctionnels entre Pirelli et son actionnaire chinois.
La réaction de Sinochem
Face à ces accusations, Sinochem assure avoir “toujours respecté les mesures du décret”. Le groupe chinois se dit confiant dans sa capacité à clarifier sa position au cours de la procédure.
Un mariage italo-chinois sous tension
Le passage de Pirelli sous pavillon chinois en 2015, pour un montant de 7,1 milliards d’euros, avait déjà suscité de vives inquiétudes en Italie quant à l’indépendance du groupe milanais.
Sinochem est lié par un pacte d’actionnaires à la holding Camfin de Marco Tronchetti Provera, l’ancien PDG de Pirelli qui en est aujourd’hui le vice-président exécutif. Suite à l’intervention du gouvernement Meloni, Camfin a progressivement augmenté sa participation pour détenir désormais 25,7% du capital de Pirelli.
Un autre acteur chinois, Silk Road Fund, un fonds contrôlé par Pékin, a quant à lui cédé en mai dernier la totalité de sa part de 9% dans Pirelli.
Une affaire révélatrice des tensions géoéconomiques
Au-delà du cas Pirelli, cette enquête illustre les défis posés par les investissements chinois dans des secteurs stratégiques européens. De nombreux gouvernements cherchent à trouver un équilibre entre les bénéfices économiques de ces investissements et la préservation de leurs intérêts nationaux.
L’utilisation du “golden power” par l’Italie montre la volonté des États de se doter d’outils de contrôle face à la montée en puissance des investisseurs chinois. Une tendance qui devrait s’accentuer dans les années à venir, alors que la Chine poursuit sa stratégie d’expansion économique mondiale.
L’issue de l’enquête sur Pirelli sera donc suivie avec attention, tant elle pourrait servir de référence pour de futurs cas similaires. Une chose est sûre : les relations économiques italo-chinoises n’ont pas fini de faire parler d’elles.