En cette fin d’année 2024, la France est suspendue au sort du gouvernement Barnier. Engagé dans un bras de fer intense avec l’Assemblée nationale sur le budget 2025, le Premier ministre a pris le pari risqué d’utiliser l’article 49-3 de la Constitution pour faire adopter son projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Une décision lourde de conséquences, qui pourrait bien se retourner contre lui si les oppositions parviennent à unir leurs voix pour faire tomber l’exécutif.
Mais au-delà des enjeux politiques, c’est bien le sort des retraités qui se joue en coulisses. Car si le gouvernement est censuré, c’est tout le budget de la sécurité sociale qui tombe à l’eau, avec des répercussions directes sur les pensions de retraite. Un scénario qui, contre toute attente, pourrait finalement faire les affaires des seniors.
Le rejet du budget 2025, une aubaine pour les retraités ?
Selon plusieurs experts, dont Gilbert Cette, président du Conseil d’orientation des retraites, la chute du gouvernement Barnier pourrait paradoxalement bénéficier aux retraités :
On est sur un terrain nouveau. Les principaux bénéficiaires [de la censure] seront les grandes entreprises, les ménages très riches et les retraités, surtout ceux qui touchent des retraites moyennes et élevées.
Gilbert Cette, président du Conseil d’orientation des retraites
En effet, si le PLFSS est rejeté, c’est le budget 2024 qui s’appliquerait par défaut, dans l’attente qu’un nouveau gouvernement fasse voter un autre texte. Or, ce dernier prévoyait une revalorisation plus généreuse des pensions de retraite que celle envisagée pour 2025. Les retraités pourraient donc voir leur pouvoir d’achat préservé, voire augmenté, grâce à ce coup de pouce inattendu.
Un répit de courte durée ?
Toutefois, cet effet d’aubaine pourrait n’être que temporaire. Car une fois un nouveau gouvernement en place, rien ne dit que la question de la revalorisation des retraites ne sera pas remise sur la table, avec à la clé de potentielles mesures d’économies. Tout dépendra en réalité des orientations politiques de la future majorité et de sa volonté de réformer ou non le système de retraites.
En attendant, c’est bien un vent d’incertitude qui souffle sur les finances publiques et sur l’avenir des pensions. Une situation inédite qui illustre la complexité du dossier des retraites et les difficultés à trouver un consensus politique sur le sujet.
La responsabilité des oppositions pointée du doigt
Face à ce scénario, le gouvernement Barnier n’a pas manqué de pointer du doigt la responsabilité des oppositions, les accusant de faire passer leurs intérêts politiques avant l’intérêt général. Une critique relayée par certains observateurs, à l’image de Jean-Eric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel :
49.3, censure, ordonnances… L’heure est à la responsabilité pour tous les partis politiques. Il en va de l’intérêt supérieur du pays.
Jean-Eric Schoettl, ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel
Mais pour d’autres, comme le Rassemblement national, c’est au contraire le gouvernement qui est allé trop loin en voulant imposer des mesures impopulaires, à l’image de la baisse du remboursement de certains médicaments. Un point de crispation majeur qui pourrait coûter cher à l’exécutif.
Vers une crise politique durable ?
Quoi qu’il en soit, cette séquence politique agitée fait craindre une crise durable, avec un pays difficilement gouvernable. Un scénario noir que redoutent de nombreux acteurs économiques, à l’image des patrons d’entreprises :
Ça y est, le bordel commence. La reconduction du budget 2024 n’a rien pour nous rassurer, dans un contexte politique et économique aussi incertain que tendu.
Un patron de PME
Reste à savoir si les responsables politiques sauront faire preuve de hauteur de vue pour sortir de l’ornière et trouver un compromis viable. Un défi de taille qui en dit long sur les fragilités structurelles du modèle social français et sur la nécessité de le réformer en profondeur, dans un esprit de dialogue et de concertation. Faute de quoi, ce sont les retraités qui pourraient en faire les frais, par-delà les effets d’aubaine ponctuels.
Un avenir incertain pour les retraites
Au final, cette crise politique autour du budget 2025 vient rappeler l’urgence de repenser notre système de retraites pour le rendre plus juste, plus lisible et plus pérenne. Un chantier titanesque qui nécessitera du courage politique, de la pédagogie et de la concertation avec l’ensemble des forces vives du pays.
En attendant, les retraités retiennent leur souffle, suspendus aux aléas d’un feuilleton politique aussi imprévisible que déterminant pour leur avenir. Avec l’espoir qu’au-delà des postures et des calculs politiciens, l’intérêt général finira par primer. Car c’est bien de notre pacte social et intergénérationnel qu’il est question, et de notre capacité collective à le préserver et à l’adapter aux défis du XXIe siècle.