Quand un mastodonte vacille, c’est toute une industrie qui tremble sur ses bases. L’annonce des lourdes pertes enregistrées par Asos, référence mondiale de la vente de vêtements en ligne, a fait l’effet d’un séisme mercredi à la Bourse de Londres. Le titre a dévissé de plus de 10%, suscitant l’inquiétude des investisseurs et les interrogations des observateurs. Au-delà du cas Asos, c’est le modèle même du fast-fashion et de la surconsommation textile qui semble montrer des signes d’essoufflement.
Asos, figure de proue du “fast-fashion” 2.0
Fondé en 2000 au Royaume-Uni, Asos a révolutionné le secteur de la mode en misant tout sur le digital. Sa recette : un catalogue XXL de marques tendance à petits prix, des nouveautés à foison et une logistique bien huilée pour des livraisons express. Un modèle en phase avec une génération avide de renouveler sa garde-robe en quelques clics, sans se ruiner. Résultat, Asos est devenu un géant valorisé plusieurs milliards, distribuant près de 900 marques à travers le monde.
L’envers du décor : des pertes abyssales
Mais en coulisses, la success story a pris du plomb dans l’aile. Sur l’exercice 2022-2023, Asos a essuyé une perte nette de près de 250 millions de livres, soit dix fois plus que l’an dernier ! Son chiffre d’affaires a reculé de 10% et le nombre de clients actifs a fondu de 9%. Des résultats catastrophiques que la direction impute à une conjoncture défavorable, entre inflation et baisse du pouvoir d’achat. Mais au-delà de l’aspect conjoncturel, ce sont les limites du modèle Asos et plus largement du fast-fashion qui se font jour.
Les acheteurs sont clairement aux prises avec la crise du coût de la vie et font leurs achats de vêtements ailleurs.
– Aarin Chiekrie, analyste chez Hargreaves Lansdown
Vers une mode plus durable et responsable ?
Car au-delà d’Asos, c’est toute l’industrie textile qui est bousculée. Face au défi écologique et à l’urgence climatique, les consommateurs aspirent à une mode plus éthique et raisonnée. Fini l’achat compulsif de vêtements à bas coût portés quelques fois avant d’être jetés. Place à une consommation plus responsable, tournée vers des pièces durables, produites dans de bonnes conditions. Une tendance de fond qui pousse les marques à revoir leur copie, en misant sur la qualité, la traçabilité, le recyclage.
- Le marché de la seconde main explose, porté par des plateformes comme Vinted ou Vestiaire Collective.
- De nouvelles marques éco-responsables émergent, à l’image de 1083 ou Loom.
- Les géants du secteur comme H&M ou Zara multiplient les collections “durables” et les initiatives de recyclage.
Certes, la route est encore longue et le chemin semé d’embûches. Il faudra du temps pour transformer en profondeur une industrie bâtie sur la fast fashion. Mais le sens de l’histoire semble clair. Et dans ce contexte, les déboires d’Asos apparaissent comme un signe avant-coureur, annonciateur de mutations profondes. Comme un symbole d’un modèle à bout de souffle, qui doit se réinventer pour rester dans la course.
On va assister à une redistribution des cartes dans la mode, avec l’émergence de nouveaux acteurs plus vertueux et innovants. La mutation ne fait que commencer.
– Nathalie Elharrar, experte du secteur mode et distribution
Asos saura-t-il négocier ce virage ? Rien n’est moins sûr au vu de ses derniers résultats. Mais une chose est sûre : pour rester un géant de la mode, il devra lui aussi se faire une beauté…éco-responsable. Car plus que jamais, l’avenir de la mode sera vert ou ne sera pas !