L’Autriche vient de connaître un véritable séisme politique à l’occasion des élections européennes de ce dimanche. Selon les sondages sortis des urnes, c’est le parti national-conservateur du FPÖ qui arrive en tête, une première dans l’histoire du pays. Crédité de 27% des voix, il devance les conservateurs de l’ÖVP et les sociaux-démocrates du SPÖ, au coude à coude autour de 23%. Une percée spectaculaire pour cette formation marquée à l’extrême-droite.
La résurrection du FPÖ après le scandale de l’Ibizagate
Laminé en 2019 suite au retentissant scandale de corruption de l’Ibizagate, le FPÖ n’avait alors décroché que 3 sièges au Parlement européen. Un chiffre qui devrait doubler dans le nouvel hémicycle. Le parti a su remonter la pente grâce à son nouveau chef de file, Herbert Kickl, qui a imposé une ligne dure depuis son arrivée à la tête du mouvement en 2021.
Pendant la crise du Covid-19, il s’est illustré par ses prises de position “anti-vaccins” dans un pays déchiré par les strictes mesures sanitaires, allant jusqu’au confinement des non-vaccinés. Une posture populiste qui a su séduire un électorat déboussolé et en colère contre le gouvernement.
Une position ambiguë sur la guerre en Ukraine
Sur le conflit ukrainien, le tribun conservateur de 55 ans défend la “neutralité” de l’Autriche, critiquant vertement le soutien apporté à Kiev et les sanctions européennes contre Moscou. Pendant la campagne, des affiches du FPÖ montraient même la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, enlaçant Volodymyr Zelensky. Un message toutefois ambigu, le parti ayant aussi condamné l’invasion russe.
Avec ce résultat, le FPÖ réalise une percée inédite et confirme son ancrage dans le paysage politique autrichien. Mais il n’est pas assuré de trouver des alliés pour gouverner le pays.
Harald Vilimsky, tête de liste du FPÖ aux européennes
L’extrême-droite, une constante de la vie politique autrichienne
Ce succès du FPÖ n’est pas une complète surprise dans un pays où l’extrême-droite est solidement implantée depuis les années 1980. C’est d’ailleurs en Autriche qu’elle a été associée pour la première fois au pouvoir au sein de l’UE en 2000, déclenchant d’importantes manifestations. Le parti fondé par d’anciens nazis dans les années 1950 a de nouveau participé à une coalition gouvernementale entre 2017 et 2019, toujours avec les conservateurs.
Malgré sa victoire aux européennes, le FPÖ n’est cependant pas assuré de retrouver les rênes du pouvoir après les législatives prévues en septembre prochain. Il lui faudra constituer des alliances dans un contexte politique fragmenté. Le parti espère capitaliser sur sa dynamique électorale et les difficultés de ses concurrents, affaiblis et divisés, pour s’imposer comme incontournable.
Quelle influence au Parlement européen ?
Avec ce score, le FPÖ disposera d’une petite dizaine d’eurodéputés sur les 20 sièges alloués à l’Autriche. Pas de quoi peser outre mesure au Parlement de Strasbourg, mais il pourra compter sur d’autres partis souverainistes et eurosceptiques en progression un peu partout en Europe pour relayer ses idées. Cela suffira-t-il à bousculer les équilibres au sein de l’hémicycle? Réponse dans les prochains mois.
Une chose est sûre : ce résultat place le FPÖ en position de force sur la scène politique autrichienne. Mais transformer l’essai aux législatives et revenir au pouvoir ne sera pas chose aisée pour un parti qui a certes le vent en poupe mais reste clivant et isolé. L’Autriche n’a sans doute pas fini de faire parler d’elle.