Imaginez que vous recevez soudainement un avis d’expulsion vous enjoignant de quitter votre logement sous deux mois, en pleine période de fêtes, et ce sans aucune justification. C’est le cauchemar vécu par de nombreux locataires en Angleterre, où cette pratique des expulsions « sans motif » est parfaitement légale. Un véritable fléau qui maintient les occupants dans une précarité permanente et que le gouvernement envisage enfin d’abolir.
Des locataires pris au piège
Jackie Bennett, artiste de 55 ans habitant le sud de l’Angleterre, a encore du mal à réaliser. Près de son poêle, elle contemple, gorge serrée, le courrier reçu il y a peu lui signifiant son expulsion. Sans raison valable, sa propriétaire a décidé de vendre le logement qu’elle occupe. Un pavé dans la mare pour cette quinquagénaire souffrant de fatigue chronique, contrainte d’annuler ses projets pour chercher dare-dare un nouveau toit.
Son cas est loin d’être isolé. Rien qu’entre juillet et septembre, 8.425 ménages britanniques ont été traduits en justice suite à ces avis d’expulsion non motivés, un record depuis 8 ans selon Generation Rent, association de défense des locataires. Car en Angleterre, les propriétaires peuvent mettre fin à un bail quand bon leur semble, sans se justifier, la trêve hivernale n’existant pas. Les locataires vivent ainsi dans la peur constante de devoir faire leurs valises du jour au lendemain.
Quand les loyers flambent
Cette épée de Damoclès s’accompagne d’une autre menace : la flambée des loyers, en hausse de 9% en un an outre-Manche. Alexandra Casson en a fait les frais. Cette Londonienne de 43 ans vient de recevoir un avis d’expulsion après avoir refusé une augmentation de plus de 50% ! Une « tentative d’extorsion éhontée » pour celle qui va devoir plier bagage d’ici janvier, au cœur d’un quartier où les prix atteignent des sommets. Comme elle, de nombreux locataires subissent le diktat de propriétaires voyant leur bien comme « une simple feuille de calcul » au mépris de l’humain.
Vers la fin d’un système à bout de souffle ?
Face à cette situation intenable, une réforme se profile enfin à l’horizon. Portée par le gouvernement conservateur, elle vise à abolir ces expulsions « sans motif » qui empoisonnent la vie de milliers de Britanniques. Le texte, en cours d’examen au Parlement, obligerait les bailleurs à justifier la résiliation d’un bail. Une avancée significative, même si en l’absence d’un strict encadrement des loyers, le risque demeure de voir des locataires poussés vers la sortie en cas d’augmentation excessive.
On se sent vulnérable en permanence. Les propriétaires peuvent nous mettre dehors du jour au lendemain, c’est un stress constant.
– Témoignage d’une locataire anglaise
Reste à voir si cette réforme ira au bout. Réclamée de longue date par les associations, elle se heurte à de fortes résistances. Certains propriétaires, inquiets de perdre la main, ont récemment multiplié les expulsions « sans motif » avant que la loi ne change. Signe d’un système à bout de souffle où l’urgence d’agir n’a jamais été aussi criante. Car derrière les chiffres et les procédures se cachent d’innombrables drames humains. Ceux de familles plongées dans la précarité du jour au lendemain. Un fléau intolérable au pays des Droits de l’Homme.