Imaginez un instant que votre nourrisson puisse glisser un bulletin dans l’urne. Ridicule pensez-vous ? C’est pourtant l’idée défendue par un mouvement encore marginal mais qui fait de plus en plus parler de lui : les « enfantistes ». Leur proposition choc : instaurer le droit de vote dès la naissance. Provocation ou véritable sujet de société, la question mérite qu’on s’y attarde.
Les « Enfantistes » et Leur Argumentaire
Les partisans du droit de vote des enfants, aussi appelés « enfantistes », avancent un argument principal : les mineurs, bien que premiers concernés par les politiques publiques, en sont exclus faute de représentation électorale. Un déni de démocratie selon eux.
Parmi les figures de ce mouvement, on retrouve Clémentine Beauvais, enseignante-chercheuse à l’université d’York et auteure du tract Pour le droit de vote dès la naissance. Dans cet opuscule volontairement provocateur, elle développe sa thèse :
Les enfants, délaissés par les politiques publiques, sont les mieux placés pour porter leurs propres intérêts.
Clémentine Beauvais, Pour le droit de vote dès la naissance
Pour les « enfantistes », refuser le droit de vote aux plus jeunes revient à les considérer comme des citoyens de seconde zone. Un traitement inégalitaire qui s’apparenterait à une forme de « racisme anti-enfants ».
Les Modalités du Vote des Bébés
Comment organiser concrètement ce suffrage des tout-petits ? Les « enfantistes » proposent que le droit de vote soit exercé par les parents, jusqu’à ce que l’enfant soit en âge de faire son propre choix. Une sorte de « procuration », le temps que la maturité politique s’acquière.
L’idée soulève évidemment de nombreuses questions. Les parents seraient-ils à même de voter dans l’intérêt de leur progéniture ? Comment s’assurer que toutes les sensibilités politiques soient représentées au sein du foyer ? Quid des familles monoparentales ?
Le Poids Démographique et Politique des Enfants
Selon l’INSEE, les moins de 18 ans représentent près de 25% de la population française. Un poids démographique conséquent qui, s’il se traduisait en poids électoral, bouleverserait à coup sûr notre paysage politique.
D’après les « enfantistes », ce nouvel électorat serait enclin à favoriser des thématiques aujourd’hui reléguées au second plan : l’éducation, l’environnement, la lutte contre la pauvreté infantile… Des sujets qui deviendraient centraux dans le débat public.
Les Réticences et Critiques
Face à la proposition « enfantiste », les réticences sont nombreuses. Pour beaucoup, accorder le droit de vote aux nouveau-nés serait une aberration démocratique. Comment justifier qu’un nourrisson ait le même poids électoral qu’un citoyen informé ?
Certains, à l’instar du philosophe François-Xavier Bellamy, dénoncent une proposition « infantilisante » qui nierait les spécificités de l’enfance :
L’enfant n’est pas un adulte en miniature. Il a besoin d’être protégé, éduqué, pour devenir peu à peu un citoyen éclairé.
François-Xavier Bellamy, philosophe
D’autres craignent une instrumentalisation politique des plus jeunes. Le vote des enfants ne risquerait-il pas de renforcer le poids des familles nombreuses, et donc de certains électorats, au détriment d’autres ?
Une Proposition Pour Repenser la Citoyenneté
Au-delà de son caractère volontairement provocateur, la proposition du droit de vote dès la naissance a le mérite de questionner notre conception de la citoyenneté. À partir de quand devient-on apte à participer aux choix collectifs ? La maturité politique est-elle uniquement une question d’âge ?
Pour les « enfantistes », c’est toute notre culture démocratique qu’il faut repenser. Plutôt que d’exclure les plus jeunes du débat, ne faudrait-il pas au contraire les y inclure progressivement, par l’éducation et la pratique ?
Loin d’être anecdotique, le débat soulevé par les partisans du droit de vote dès la naissance invite à réfléchir sur la place des enfants dans notre société. Une manière de remettre au cœur des priorités politiques ces citoyens en devenir, trop souvent oubliés.
Vers un Abaissement de la Majorité Électorale ?
Si le droit de vote des nourrissons apparaît encore utopique, l’idée d’abaisser la majorité électorale fait progressivement son chemin. Certains pays, comme le Brésil ou l’Autriche, autorisent déjà le vote dès 16 ans, considérant que les adolescents sont suffisamment mûrs pour participer aux décisions.
En France, la proposition a été plusieurs fois débattue, sans être pour l’instant retenue. Mais le sujet est loin d’être clos. Avec l’engagement croissant des jeunes générations pour le climat ou l’égalité, la question de leur participation politique se pose avec une acuité nouvelle.
Le droit de vote dès la naissance restera sans doute un slogan provocateur. Mais le débat qu’il soulève, sur la place des enfants dans notre démocratie, n’en est qu’à ses prémices. Nul doute que les « enfantistes », malgré les critiques, continueront à faire entendre leur voix singulière dans les années à venir.
