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Le Doliprane bientôt américain ? Sanofi négocie la vente d’Opella

Le géant pharmaceutique Sanofi négocie la vente de 50% de sa filiale Opella, productrice du célèbre Doliprane, à un fonds d'investissement américain. Une opération qui inquiète sur l'avenir de ce médicament emblématique et la souveraineté française dans ce secteur stratégique. Que cache cette manœuvre financière de grande ampleur ?

C’est une annonce qui fait grand bruit dans le monde de la pharmacie et au-delà. Selon des sources concordantes, le géant français Sanofi serait entré en négociations exclusives avec un fonds d’investissement américain pour lui céder 50% du capital d’Opella, sa filiale dédiée aux médicaments vendus sans ordonnance. Parmi les produits concernés, on retrouve notamment le célèbre Doliprane, antidouleur le plus vendu en France.

Opella, un poids lourd des médicaments sans ordonnance

Créée en 2018 par Sanofi, Opella HealthCare France regroupe la plupart des marques de médicaments sans ordonnance du laboratoire. Outre le Doliprane, on y trouve des produits bien connus du grand public comme le Lanzor (troubles digestifs), l’Aspergic (aspirine) ou encore des traitements contre le rhume et les allergies (Lysopaïne, Phytoxil, Allegra…).

Avec 11000 collaborateurs répartis dans une centaine de pays, dont 1700 en France, Opella pèse lourd. Son chiffre d’affaires est estimé à près de 5 milliards d’euros, avec les États-Unis comme premier marché (25% des ventes). La société, dont la valorisation globale avoisinerait les 16 milliards d’euros, possède deux sites industriels en France, à Lisieux et Compiègne.

Sanofi veut se recentrer sur son cœur de métier

Pour Sanofi, cette cession partielle s’inscrit dans une stratégie de recentrage sur les médicaments innovants et les vaccins. Le groupe souhaite en effet se concentrer sur la recherche et le développement, des activités jugées plus rentables que les produits grand public.

Nous voulons devenir un pur acteur biopharmaceutique et un leader mondial en immunologie

Un porte-parole de Sanofi

En conservant 48% des parts d’Opella, aux côtés du fonds américain Blackstone qui en détiendrait 50% et de la BPI qui entrerait à hauteur de 1 à 2%, Sanofi compte néanmoins rester impliqué “le plus longtemps possible”. Mais pas question de fixer une durée précise.

L’inquiétude monte sur l’avenir du « Doli »

Cette opération financière d’envergure suscite de nombreuses interrogations. Beaucoup redoutent de voir le célèbre « Doli » tomber dans l’escarcelle d’un fonds d’investissement outre-atlantique, avec ce que cela pourrait impliquer en termes de hausse des prix ou de délocalisations.

Malgré les garanties affichées par Sanofi sur le maintien des emplois et de la production sur le sol français, les inquiétudes sont vives du côté des salariés. Deux syndicats appellent même à la grève à compter de jeudi.

La souveraineté sanitaire en question

Au-delà du symbole que représente le Doliprane, produit phare des armoires à pharmacie des Français, c’est toute la question de la souveraineté sanitaire et industrielle du pays qui resurgit. Pour beaucoup, ce nouvel épisode incarne l’échec de la politique de relocalisation des médicaments pourtant érigée en priorité par l’exécutif.

Le Doliprane est le marqueur de l’échec total de la politique industrielle d’Emmanuel Macron

Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT

Face au tollé, le gouvernement tente de calmer le jeu en annonçant un accord avec Sanofi. L’État, via BPI France, pourrait ainsi entrer au capital d’Opella de manière symbolique. Une manière de garder un œil sur ce joyau tricolore, même s’il passe sous pavillon étoilé.

Des précédents qui inquiètent

Cette affaire fait écho à de nombreux cas similaires par le passé. De Pechiney à Alcatel en passant par Alstom Énergie, la liste des fleurons industriels français passés sous contrôle étranger ne cesse de s’allonger au fil des années, suscitant à chaque fois émoi et amertume.

Pour beaucoup, la vente annoncée du Doliprane apparaît comme un nouveau symptôme du déclin de la puissance industrielle française et de son incapacité à protéger ses intérêts stratégiques sur la scène mondiale. Un constat amer dont on peine à voir l’issue.

Malgré les enjeux, tant sanitaires qu’économiques et politiques, une certitude demeure : le petit cachet blanc qui soulage les douleurs des Français depuis des décennies n’a sans doute pas fini de faire parler de lui. Affaire à suivre, donc.

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