Qui était vraiment le général Édouard de Castelnau ? Derrière l’image d’Épinal du “capucin botté”, chef de file de la droite catholique dans l’entre-deux-guerres, se cache en réalité un destin bien plus complexe et passionnant. C’est ce que révèle l’essayiste Jean-Louis Thiériot dans une nouvelle biographie fouillée intitulée “Castelnau, le maréchal escamoté”.
Un héros discret de la Grande Guerre
Né en 1851 dans une famille de vieille noblesse désargentée, Édouard de Castelnau s’illustre très tôt par ses qualités militaires. Mais c’est lors de la Première Guerre mondiale qu’il va véritablement forger sa légende, en tant que l’un des principaux artisans de la victoire française.
Dès les premiers jours du conflit, Castelnau s’impose comme un stratège hors pair lors de la cruciale bataille de Lorraine. Puis il jouera un rôle déterminant dans la première bataille de la Marne en septembre 1914, qui stoppe l’avancée allemande. Deux faits d’armes qui auraient dû lui valoir le bâton de maréchal. Pourtant, malgré ses exploits, Castelnau n’accèdera jamais à cette dignité suprême.
Victime de manœuvres politiques
Comment un général aussi brillant a-t-il pu être ainsi “escamoté” ? L’auteur pointe les mesquineries politiques et les jalousies de l’état-major. Profondément catholique et issu d’un milieu légitimiste, Castelnau n’avait pas le bon profil dans une IIIe République anticléricale. Il sera même mis sur la touche par Joffre lors d’une rocambolesque affaire en 1915.
On lui préfèrera des généraux plus dans l’air du temps mais moins talentueux, comme Foch ou Pétain.
indique un spécialiste de la période
L’homme fort de la droite catholique
Après la guerre, ce fervent chrétien va s’imposer comme la figure de proue du catholicisme politique. À la tête de la puissante Fédération nationale catholique, créée en 1924, il s’opposera vigoureusement au Cartel des gauches. Un engagement qui lui vaudra le surnom railleur de “capucin botté” dans la presse de gauche.
Mais Jean-Louis Thiériot brosse le portrait d’un conservateur plus subtil qu’il n’y paraît. Castelnau saura ainsi prendre ses distances avec les ligues factieuses et l’antiparlementarisme dans les années 30. Hostile à l’antisémitisme, il condamnera vigoureusement les lois raciales de Vichy.
Un personnage injustement oublié
Mort en 1944, Castelnau sombrera ensuite dans un relatif oubli. Peut-être paie-t-il le prix de son intransigeance et de sa fidélité à ses convictions, qui cadrent mal avec l’air du temps. En exhumant cette figure atypique, Jean-Louis Thiériot répare une injustice et offre un éclairage passionnant sur un pan méconnu de notre histoire.
À travers le destin romanesque de Castelnau, c’est une autre histoire de France qui se dessine. Celle d’une droite catholique et patriote, certes conservatrice mais lucide, loin des caricatures et du sectarisme que d’aucuns voudraient lui prêter. Un héritage précieux à l’heure où le pays semble plus que jamais fracturé.