Il est de ces destins qui semblent tout droit sortis d’un roman. Charles Bedaux, millionnaire franco-américain de l’entre-deux-guerres, en est l’incarnation parfaite. Thierry Lentz, éminent spécialiste de Napoléon, nous fait découvrir dans son dernier ouvrage cette figure oubliée au parcours aussi brillant que tragique, digne d’un « Gatsby pathétique ».
De Montmartre à la conquête de l’Amérique
Né en 1886 dans le Paris populaire, Charles Bedaux quitte rapidement la France pour les États-Unis, fuyant un passé trouble. Outre-Atlantique, il se passionne pour les théories de Taylor et Emerson sur l’optimisation du travail industriel. Visionnaire, il met au point son propre « système Bedaux » et fonde une entreprise de conseil qui rencontre un succès fulgurant.
Charles Bedaux était un homme de challenges, repoussant sans cesse les limites, qu’elles soient géographiques, industrielles ou sociales.
– Thierry Lentz
Le système Bedaux, une révolution industrielle
Le « système Bedaux » repose sur une unité, le B, permettant de mesurer la productivité des ouvriers. Largement adopté dans l’industrie, il permet des gains spectaculaires et fait la fortune de son créateur. Mais cette rationalisation extrême suscite aussi critiques et conflits sociaux.
Une vie romanesque entre mondanités et politique
Riche et influent, Charles Bedaux côtoie les grands de ce monde. En 1937, il organise dans son château de Candé en Touraine le mariage du duc de Windsor, ex-roi d’Angleterre, et de Wallis Simpson. Mais l’homme d’affaires est aussi un agent trouble, naviguant entre services secrets français, allemands et américains.
Collaboration et descente aux enfers
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Bedaux collabore avec les nazis, rêvant d’étendre son système à l’Europe allemande. Arrêté par les Américains en Afrique du Nord en 1943, il se suicide en prison avant son procès. Sa veuve sera condamnée pour intelligence avec l’ennemi et le nom de Bedaux sombrera dans l’oubli.
À travers la trajectoire romanesque et ambiguë de Charles Bedaux, Thierry Lentz nous offre le portrait subtil d’un homme et d’une époque, entre visions industrielles, mondanités et intrigues politiques. Une plongée passionnante dans les zones d’ombre de l’entre-deux-guerres, miraculeusement exhumée par ce fin connaisseur de l’épopée napoléonienne.