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Le dernier supermarché non-halal ferme à Vénissieux

Les Minguettes à Vénissieux ne seront bientôt plus desservis que par des supermarchés halal. La fermeture du dernier Casino vendant porc et alcool soulève des questions sur les conséquences du communautarisme. La maire communiste s'y est résignée, faute de repreneurs...

Dans un mois, les habitants du quartier des Minguettes à Vénissieux, en banlieue lyonnaise, se réveilleront dans une réalité inédite. Suite à la fermeture du dernier supermarché Casino vendant du porc et de l’alcool, ils n’auront plus accès qu’à des enseignes exclusivement halal. Un cas emblématique qui soulève des interrogations sur les conséquences du communautarisme dans certains quartiers.

La fin d’une ère pour le quartier des Minguettes

Depuis des années, le supermarché Casino situé au cœur des Minguettes était le dernier bastion où il était encore possible de se procurer du porc et de l’alcool. Les autres enseignes du quartier avaient progressivement basculé vers un mode de fonctionnement halal, répondant ainsi à la demande d’une population locale majoritairement musulmane.

Mais début novembre, ce sera la fin d’une époque. Lorsque Casino baissera définitivement le rideau, il n’y aura plus aucune possibilité d’acheter ces produits dans le quartier. Une situation que redoutait la maire communiste Michèle Picard, mais à laquelle elle a dû se résoudre, faute de repreneurs intéressés.

C’est une capitulation en rase campagne. On a tout fait pour éviter ça, mais aucun repreneur ne voulait maintenir du porc et de l’alcool, produits qui ne sont plus rentables ici.

– Michèle Picard, maire PCF de Vénissieux

Un cas révélateur du communautarisme

Au-delà de l’aspect purement commercial, cette disparition du dernier supermarché “traditionnel” cristallise les inquiétudes sur la montée du communautarisme dans certains quartiers. Des quartiers où la mixité sociale et culturelle semble de plus en plus mise à mal.

Pour Gilles Kepel, spécialiste de l’islam et des banlieues, ce cas est symptomatique d’une tendance de fond :

C’est le résultat d’une pression communautaire de plus en plus forte, qui décourage toute offre ne correspondant pas aux normes religieuses. On assiste à un repli identitaire et à une homogénéisation culturelle dans ces zones urbaines sensibles.

– Gilles Kepel, politologue

Une situation qui divise les habitants

Du côté des habitants, les avis sont partagés. Si certains se réjouissent de voir l’offre commerciale s’adapter à leurs convictions religieuses, d’autres déplorent une perte de diversité et de liberté de choix.

Karim, 35 ans, se félicite de cette évolution :

C’est une bonne chose qu’on ait des magasins qui respectent nos valeurs. Avant, on devait aller dans d’autres quartiers pour trouver de la viande halal. Maintenant, on a tout sur place.

– Karim, habitant des Minguettes

À l’inverse, Marie, 62 ans, vit ce changement comme une régression :

J’habite ici depuis 40 ans et j’ai vu le quartier complètement changer. Avant, il y avait de tout pour tout le monde. Aujourd’hui, si je veux du jambon ou une bouteille de vin, je dois prendre le bus. C’est triste.

– Marie, habitante historique des Minguettes

Des répercussions qui vont au-delà du caddie

Au-delà des considérations purement matérielles, la disparition de ce type de commerce questionne sur la direction que prennent certains quartiers. Quand une zone n’offre plus qu’un seul modèle culturel ou religieux, aussi respectable soit-il, c’est la diversité et le vivre-ensemble qui semblent mis à mal.

Pour le sociologue Hugues Lagrange, ce phénomène ne se limite pas aux rayons des supermarchés :

C’est un des multiples symptômes d’une société qui se fragmente. Quand on ne se croise plus dans les mêmes commerces, on finit par ne plus se comprendre, voire à se méfier les uns des autres. C’est un terreau fertile pour les tensions communautaires.

– Hugues Lagrange, sociologue

Le cas de Vénissieux est loin d’être isolé. De plus en plus de villes voient certains de leurs quartiers évoluer vers un fonctionnement communautaire, avec toutes les interrogations que cela soulève en termes de cohésion nationale.

Face à ce phénomène, les pouvoirs publics semblent souvent démunis. Entre le respect des libertés individuelles et la nécessité de maintenir une mixité sociale, l’équation est complexe à résoudre. Mais une chose est sûre : la question du vivre-ensemble dans une société de plus en plus fragmentée est un des grands défis des années à venir.

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