Le réalisateur américain Sean Baker ne s’attendait pas à un tel accueil pour son dernier film “Anora”, présenté en compétition au Festival de Cannes. Ce long-métrage audacieux suit la rencontre improbable entre une strip-teaseuse new-yorkaise et le fils d’un oligarque russe, suscitant l’émoi sur la Croisette. Mais au-delà de la controverse, c’est la fascination intemporelle pour le plus vieux métier du monde qui transparaît.
Anora, Un Pari Osé Qui Paie
Avec Anora, Sean Baker s’attaque à un sujet sulfureux : la prostitution. Mais loin des clichés, il dépeint avec justesse ce monde interlope “juste sous notre nez, que nous le remarquions ou pas”. L’histoire d’amour incongrue entre Anora, travailleuse du sexe, et le jeune russe fortuné, aurait pu verser dans le sordide. Au lieu de quoi, Baker livre un récit nuancé, servi par l’interprétation époustouflante de Mikey Madison dans le rôle-titre.
Cette jeune actrice de 25 ans, aperçue dans Once Upon a Time in Hollywood, s’est plongée corps et âme dans la peau d’Anora. Entraînement intensif de pole dance, travail de l’accent new-yorkais… Son investissement paye et la propulse en tête des favoris pour un prix d’interprétation. Une consécration que lui souhaite son réalisateur :
Le rêve serait que Mikey Madison soit récompensée. Peu importe le prix, juste la reconnaissance de son immense talent.
Sean Baker, réalisateur d’Anora
Un Film Mainstream Malgré Lui ?
Si la réception enthousiaste d’Anora à Cannes étonne Sean Baker, elle pourrait aussi influencer son destin en salles. Le réalisateur indépendant fustige le diktat des blockbusters au box-office américain, reléguant les films d’auteur sur les plateformes de streaming. Mais une éventuelle récompense cannoise rebattrait les cartes, offrant à Anora une exposition grand public.
D’autant que le long-métrage est déjà entre de bonnes mains, celles de Neon. Ce distributeur américain pointu a fait des quatre derniers films palmés des succès Outre-Atlantique, dont le récent Anatomie d’une chute. De quoi placer Anora dans la course à la Palme d’or, selon les pronostics avisés du magazine Screen.
Fascinante Prostitution
Au-delà de ces considérations stratégiques, Anora sonde notre rapport ambivalent au sexe tarifé. Sujet de fantasmes, de tabou social, de débats politiques… La prostitution ne laisse personne indifférent. Sean Baker le sait et joue de ce trouble :
Nous sommes tous fascinés par le travail du sexe. On peut l’explorer à l’infini au cinéma. Ma mission est de montrer des personnages imparfaits, humains avant tout.
Sean Baker, réalisateur d’Anora
Pari relevé haut la main, si l’on en croit l’émotion suscitée par le film sur la Croisette. En attendant le palmarès, Anora s’impose déjà comme le long-métrage le plus subversif et sensible de la compétition. Un vrai feel good movie sur le plus vieux métier du monde, voici un oxymore bien dans l’esprit de Sean Baker !