C’est un voyage au long cours qui vient de s’achever. Selon une information communiquée par le groupe nucléaire français Orano, le dernier convoi ferroviaire transportant des déchets nucléaires hautement radioactifs entre la France et l’Allemagne est arrivé à bon port le 20 novembre dernier. Ce 13ème transport, parti de l’usine Orano de La Hague dans la Manche, a rejoint le centre d’entreposage de Philippsburg dans le Bade-Wurtemberg aux alentours de 17h45, sous haute surveillance policière.
La fin d’une époque pour le recyclage du combustible allemand
Avec ce dernier convoi, une page se tourne dans l’histoire des échanges nucléaires franco-allemands. En effet, comme le précise Orano dans son communiqué, ce transport “solde la totalité des engagements” pris par le groupe – anciennement Areva – auprès de quatre électriciens d’Outre-Rhin dans le cadre de contrats de recyclage des combustibles usés signés à partir de 1977.
De 1977 à 1991, ce sont ainsi pas moins de 5310 tonnes de combustible nucléaire irradié provenant des réacteurs allemands qui ont été acheminées à l’usine de La Hague pour y être traitées et recyclées. Un process industriel complexe qui permet, selon Orano, de récupérer 96% de matière valorisable – uranium et plutonium – pouvant être réutilisée pour fabriquer de nouveaux combustibles.
Que deviennent les 4% de déchets “ultimes” ?
Mais ce recyclage n’est pas parfait et génère malgré tout des résidus hautement radioactifs et non valorisables, les fameux déchets “ultimes”. Selon Orano, ces produits de fission représentent environ 4% des volumes traités. Ils sont d’abord vitrifiés puis entreposés sur le site de La Hague dans l’attente d’une solution définitive de stockage.
Une partie de ces déchets ultimes est également rejetée dans l’environnement sous forme liquide ou gazeuse, après traitement. Des rejets qui se font “sans impact sur la santé” assure Orano, mais qui suscitent la controverse.
Le retour controversé des déchets en Allemagne
Conformément à la loi française qui interdit depuis 2006 le stockage sur le sol national de déchets radioactifs étrangers, les déchets ultimes vitrifiés doivent ensuite retourner dans leur pays d’origine. D’où ce 13ème et ultime convoi vers le site de Philippsburg en Allemagne.
Un retour au point de départ que salue Greenpeace, estimant que “les exploitants d’origine doivent rester responsables de ce qu’ils ont créé”. Mais l’organisation écologiste pointe aussi du doigt les risques liés au transport de ces déchets hautement radioactifs. Sans compter que la destination finale de ces derniers reste en suspens, aucun site de stockage définitif n’étant encore opérationnel Outre-Rhin.
Un héritage radioactif qui soulève de nombreuses questions
Si ce dernier convoi marque la fin des transferts de déchets nucléaires allemands vers la France, il est loin de clore le débat sur la gestion de cet héritage radioactif au long cours. Car au-delà de la problématique du transport, c’est bien la question épineuse du stockage définitif de ces déchets qui reste à trancher.
En France, alors qu’un projet controversé de centre de stockage souterrain est à l’étude dans la Meuse, les piscines de La Hague vont continuer à accumuler les co-propriétés radioactives hexagonales, en attendant une hypothétique solution pérenne. Outre-Rhin, les allemands vont devoir également s’atteler à ce défi, alors même que le pays a tourné la page du nucléaire.
Un casse-tête qui illustre toute la complexité de l’après-nucléaire et la nécessité de trouver des réponses adaptées à cet héritage empoisonné. Car si les réacteurs peuvent être mis à l’arrêt, les déchets qu’ils ont générés, eux, ont encore de beaux millénaires radioactifs devant eux.