Malte, petit archipel méditerranéen et plus jeune membre de l’Union européenne, traverse actuellement une crise migratoire d’une ampleur inédite. Autrefois terre d’émigration, l’île est devenue en l’espace d’une décennie une destination privilégiée pour de nombreux migrants, bouleversant profondément sa démographie et sa société.
Une île submergée par les flux migratoires
Lors de son adhésion à l’UE en 2004, Malte comptait environ 12 000 étrangers sur son sol. Près de vingt ans plus tard, ils sont plus de 140 000, soit plus d’un quart de la population totale de l’île qui s’élève à 542 000 habitants. Une croissance fulgurante qui s’explique par l’arrivée massive de migrants issus de divers horizons :
- Des retraités et des jeunes Européens attirés par le cadre de vie méditerranéen et les opportunités professionnelles
- Des travailleurs hautement qualifiés recrutés par les entreprises maltaises, notamment dans les secteurs de la finance et des jeux en ligne
- Une main d’œuvre peu qualifiée provenant des pays en développement, employée dans le bâtiment, la restauration ou les services à la personne
- Des demandeurs d’asile fuyant les conflits et la misère, arrivés par la mer depuis les côtes nord-africaines
Face à cet afflux sans précédent, les infrastructures et les services publics maltais sont sous pression. Le marché immobilier s’est envolé, rendant l’accès au logement difficile pour une partie de la population. Les écoles et les hôpitaux peinent à absorber cette nouvelle patientèle. Dans certains quartiers, les tensions communautaires s’accroissent.
Le casse-tête de l’intégration
Au-delà des aspects matériels, c’est la question de l’intégration de ces nouvelles populations qui se pose avec acuité. Traditionnellement très homogène, la société maltaise doit apprendre à composer avec cette diversité inédite. Les pouvoirs publics multiplient les initiatives pour favoriser le vivre-ensemble et la cohésion nationale :
- Cours de langues et de civilisation maltaises pour les primo-arrivants
- Campagnes de sensibilisation à la diversité culturelle dans les médias et les écoles
- Soutien aux associations œuvrant pour le dialogue intercommunautaire
- Lutte contre les discriminations et promotion de l’égalité des chances
Mais la tâche est ardue car les nouveaux venus ont des profils et des attentes très variés. Si les Européens qualifiés s’intègrent plutôt bien, il n’en va pas de même pour les travailleurs pauvres et les réfugiés, souvent en marge de la société. Beaucoup vivent dans des conditions précaires et sont victimes de l’exploitation de patrons peu scrupuleux.
C’est la guerre des pauvres. Les Maltais les plus modestes ont l’impression que les migrants leur volent leur travail et leurs logements sociaux. Il y a un vrai risque de fracture si on n’arrive pas à endiguer la pauvreté.
explique un travailleur social de La Valette
Une opportunité pour le développement ?
Malgré ces défis, certains voient dans l’immigration une chance pour Malte. Avec un taux de fécondité parmi les plus faibles d’Europe, l’apport de sang neuf pourrait permettre de dynamiser une population vieillissante. Les compétences et la créativité des migrants sont aussi un atout pour doper l’économie insulaire.
C’est le pari du gouvernement maltais qui vient de lancer un vaste plan de régularisation des sans-papiers et mise sur une politique d’immigration choisie pour attirer les talents étrangers. L’enjeu est de parvenir à une immigration « durable et responsable », conciliant les besoins de main d’œuvre du pays et sa capacité d’intégration.
Loin des discours simplistes, l’exemple maltais montre toute la complexité de la gestion des flux migratoires au XXIe siècle. À la croisée des enjeux identitaires, économiques et sécuritaires, l’immigration est un défi à long terme qui nécessite des réponses politiques transversales et coordonnées à l’échelle européenne. Un test grandeur nature pour les valeurs de tolérance et de solidarité de l’UE.