Le débat sur le port du voile islamique dans les écoles publiques refait surface en Allemagne. L’association de défense des droits des femmes « Terre des Femmes » tire la sonnette d’alarme et réclame son interdiction pour les élèves de moins de 14 ans. Cette prise de position ravive les discussions autour de la laïcité, de la liberté religieuse et de l’égalité des sexes dans le système éducatif allemand.
Un sondage révélateur des inquiétudes du corps enseignant
Pour étayer sa demande, l’association féministe a mené une enquête auprès de 784 acteurs du milieu scolaire, issus des quatre coins du pays. Enseignants, travailleurs sociaux, éducateurs : tous ont exprimé leurs préoccupations quant au port du hijab par des collégiennes. Selon les résultats, 71% des sondés côtoient régulièrement des élèves voilées de moins de 14 ans.
Si plusieurs Länder ont déjà proscrit le voile intégral à l’école, le hijab, lui, reste autorisé sans distinction d’âge. Une situation qui inquiète une majorité des personnes interrogées :
- 73% estiment que le voile entrave le développement personnel des jeunes filles et leurs rapports avec les garçons
- 31% doutent du caractère volontaire du port du hijab chez les collégiennes
- 56% ont remarqué que les élèves voilées ne participaient pas aux cours de sport ou de natation
- 52% constatent leur absence lors des voyages scolaires et sorties éducatives
Vers une évolution des mentalités ?
Si la question du voile à l’école était jusqu’alors peu abordée outre-Rhin, les choses semblent changer. Depuis son premier sondage en 2019, « Terre des Femmes » observe une prise de conscience progressive :
Avant notre prise de position, la problématique du hijab chez les petites filles était très peu présente dans le débat public. Depuis 2017, elle a fait son entrée dans le discours politique et social.
– Stephanie Walter, porte-parole de l’association
Malgré cette évolution, aucun parti politique ne s’est encore prononcé unanimement en faveur d’une interdiction. L’association, qui a remporté des victoires sur d’autres fronts comme les mutilations génitales féminines ou le mariage des enfants, compte bien poursuivre son combat.
Entre liberté religieuse et égalité des sexes
Au cœur du débat : la difficile conciliation entre le droit à la liberté religieuse et le principe de laïcité dans l’espace public. Pour les défenseurs du voile, son port relève d’un choix personnel et ne devrait pas être entravé. Ses détracteurs y voient un symbole d’oppression et d’inégalité des sexes, incompatible avec les valeurs de l’école républicaine.
La controverse pose également la question de l’intégration des musulmans dans la société allemande. Alors que certains prônent une approche inclusive et tolérante, d’autres craignent une forme de communautarisme religieux. Un équilibre délicat que le pays peine encore à trouver.
L’école, un lieu de mixité sociale à préserver
Au-delà des considérations religieuses, c’est bien le rôle de l’école comme creuset de la mixité sociale qui est en jeu. Pour les pourfendeurs du hijab, sa présence dans les salles de classe créerait une forme de ségrégation entre les élèves, allant à l’encontre de la mission unificatrice du système éducatif.
Face à ces arguments, les partisans d’une approche libérale insistent sur l’importance de respecter la diversité culturelle et religieuse. Selon eux, interdire le voile reviendrait à stigmatiser une partie de la population et à entraver le dialogue intercommunautaire nécessaire à la cohésion nationale.
Vers un compromis à l’allemande ?
Si le débat promet d’être houleux, l’Allemagne devra trouver sa propre voie, entre fermeté des principes et souplesse d’application. Certains évoquent la possibilité d’un compromis, qui interdirait le voile à l’école primaire tout en l’autorisant au collège, ou qui limiterait son port lors de certains cours ou activités.
Quelle que soit l’issue, la discussion aura le mérite de confronter la société allemande à ses contradictions et à ses défis en matière d’intégration et de vivre-ensemble. Un débat crucial pour l’avenir du pays, qui ne fait sans doute que commencer.
