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Le débat sur le rôle du président : chef des armées ou titre honorifique ?

La déclaration polémique de Marine Le Pen qualifiant de "titre honorifique" le rôle de chef des armées du président soulève des interrogations sur l'étendue réelle des pouvoirs présidentiels en cas de cohabitation. Derrière cette sortie se cache un enjeu politique majeur pour les élections à venir...

En pleine campagne électorale, Marine Le Pen a relancé le débat sur le rôle et les pouvoirs du président de la République en tant que chef des armées. Dans une interview accordée au Télégramme le 26 juin, la candidate du Rassemblement National a en effet qualifié ce titre de “purement honorifique”, affirmant que c’est en réalité le Premier ministre qui “tient les cordons de la bourse”. Une déclaration qui n’a pas manqué de faire réagir, notamment François Bayrou, qui a rappelé les prérogatives constitutionnelles du chef de l’État en la matière.

Un débat qui questionne l’équilibre des pouvoirs

Au-delà de la polémique, les propos de Marine Le Pen soulèvent de vraies questions sur l’étendue des pouvoirs présidentiels et l’équilibre institutionnel, en particulier en cas de cohabitation. Que dit la Constitution exactement sur le rôle de chef des armées du président ? Quelles sont ses prérogatives réelles face à un Premier ministre d’une couleur politique opposée qui aurait la main sur le budget ?

La Constitution de la Ve République confère au président un rôle central en matière de défense nationale.

Article 15 de la Constitution

Selon l’article 15, le président de la République est en effet le chef des armées. À ce titre, il préside les conseils et comités supérieurs de la défense nationale. L’article précise aussi qu’il dispose de « l’autorité militaire » et assume la responsabilité des engagements des forces armées. Des pouvoirs étendus donc, mais qu’il faut mettre en perspective avec d’autres dispositions constitutionnelles.

Le rôle clé du Premier ministre et du Parlement

Car si le président est le chef suprême des armées, c’est bien le Premier ministre qui, selon l’article 21, est responsable de la défense nationale. C’est également lui qui assure la direction générale et la disposition des forces armées. Un partage des rôles savamment orchestré par les constituants de 1958 qui peut cependant devenir source de tension en cas de cohabitation.

Le Parlement a lui aussi son mot à dire via le vote du budget et la possibilité de contrôler l’action du gouvernement dans ce domaine. Autant de contrepouvoirs qui viennent encadrer et limiter les prérogatives du chef de l’État.

Des précédents historiques éclairants

L’histoire des présidences françaises sous la Ve République fournit quelques exemples intéressants sur la façon dont ces pouvoirs ont pu s’exercer concrètement :

  • Durant la première cohabitation entre 1986 et 1988, François Mitterrand avait conservé un rôle actif en matière militaire et diplomatique, malgré un gouvernement de droite.
  • Jacques Chirac, Premier ministre à l’époque, avait dû composer avec un président qui entendait garder la main, notamment sur les grands dossiers comme la crise des euromissiles.

Des épisodes qui montrent que si le titre de chef des armées n’est pas qu’honorifique, son étendue réelle dépend beaucoup du contexte politique et du rapport de force entre président et Premier ministre.

Un enjeu pour les prochaines élections

En replaçant ce sujet au cœur du débat, Marine Le Pen fait un pari politique. Celui d’une possible cohabitation après les législatives de 2024, où un Premier ministre RN devrait composer avec un président Macron privé de majorité à l’Assemblée.

En réduisant par avance le rôle militaire du président à un simple titre honorifique, elle cherche à rassurer un électorat qui pourrait s’inquiéter d’un chef de l’État gardant la main sur une armée puissante. Une stratégie qui n’est pas sans rappeler celle employée par la droite face à Mitterrand dans les années 80.

Cette polémique est donc révélatrice des enjeux institutionnels et politiques qui se jouent déjà pour le prochain quinquennat. Elle montre que derrière les titres et les attributions formelles, c’est bien le résultat des urnes et la pratique du pouvoir qui déterminent l’équilibre réel des forces. Affaire à suivre donc.

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