Le président argentin Javier Milei se retrouve au cœur d’une tempête médiatique et judiciaire baptisée le « Cryptogate ». Vendredi dernier, il avait brièvement fait la promotion sur les réseaux sociaux d’une nouvelle cryptomonnaie, la $LIBRA, censée financer des PME argentines. Mais quelques heures plus tard, il s’est rétracté pendant que la monnaie virtuelle s’effondrait, non sans avoir fait l’objet de dizaines de milliers de transactions.
D’après des experts consultés par les médias locaux, certains opérateurs auraient réalisé des gains autour de 100 millions de dollars avant l’effondrement de la $LIBRA, soulevant des soupçons de fraude pyramidale à grande échelle. La justice argentine a reçu une vague de plaintes citoyennes, principalement des petits investisseurs floués, et centralisé l’affaire lundi.
Une enquête judiciaire sur plusieurs fronts
La juge fédérale Maria Servini et le procureur Eduardo Taiano ont été désignés pour traiter les plaintes liées à la cryptomonnaie $LIBRA. Ils devront déterminer si le président Javier Milei a été victime ou acteur d’une association illicite, d’une fraude ou d’un manquement aux devoirs de sa fonction en faisant brièvement la promotion de cette monnaie virtuelle.
Selon des sources judiciaires, le nombre de plaintes déposées de manière virtuelle, voire anonyme, dépasserait la centaine. Un cabinet d’avocats représentant une quarantaine d’investisseurs, principalement argentins, a également saisi le ministère américain de la Justice pour dénoncer « la fraude massive de type Rug pull (tirage de tapis) » qui aurait été « commise sur plusieurs juridictions, et ayant aussi affecté des Américains ».
Une ONG dénonce une « association illicite »
En Argentine, l’une des plaintes émane de l' »Observatoire du droit de la ville », une ONG de défense des droits. Elle accuse Javier Milei d’avoir « été partie d’une association illicite qui a organisé une escroquerie avec la cryptomonnaie $LIBRA, affectant plus de 40.000 personnes avec des pertes de plus de 4 milliards de dollars ».
La plainte cite également Julian Peh, PDG et co-fondateur de Kip Network et KIP Protocol, entreprises à l’origine de la $LIBRA, ainsi que Martin Menem, président de la Chambre des députés qui avait relayé sur les réseaux le message de soutien initial de M. Milei.
L’opposition envisage un procès politique
Le groupe parlementaire d’opposition « Union pour la Patrie » (péroniste, centre-gauche) affirme vouloir entamer une procédure de destitution contre Javier Milei via un « procès politique ». Un processus long et hypothétique qui nécessiterait une majorité des deux tiers à la Chambre des députés.
L’Argentine n’a pas besoin de nouvelles divisions ni de manœuvres politiques irresponsables, mais de réponses claires et de justice pour les personnes concernées.
Le parti PRO (droite) de l’ex-président Mauricio Macri
Pour l’heure, le parti PRO (droite) de l’ex-président Mauricio Macri, troisième force au Parlement et allié du président Milei, se dit « pas favorable à une destitution ». Il appelle à attendre les résultats de l’enquête promise par la présidence tout en soulignant que « l’Argentine n’a pas besoin de nouvelles divisions ni de manœuvres politiques irresponsables, mais de réponses claires et de justice pour les personnes concernées ».
Un impact politique encore incertain
Selon le politologue Carlos Germano, interrogé par l’AFP, l’impact politique de cette affaire pour Javier Milei reste incertain à ce stade. Il estime que « la société foncièrement continue de soutenir le président sur son thème central de lutte contre l’inflation », actuellement au plus bas depuis 4 ans dans le pays. L’affaire « affecte sa crédibilité » et « a ouvert une brèche » mais les chances d’une destitution seraient « nulles » faute de votes suffisants au Parlement.
Malgré le scandale, le président argentin affiche depuis lundi un agenda « business as usual ». Il a notamment posté une photo d’une rencontre avec le sénateur républicain américain Steve Daines à la Casa Rosada (le palais présidentiel). Il devrait se rendre ce mercredi soir aux États-Unis jusqu’à dimanche, un voyage coïncidant avec le grand raout annuel des conservateurs américains, la CPAC, organisée du 19 au 22 février à Washington.
L’enquête judiciaire avance tandis que les marchés financiers locaux surveillent nerveusement l’impact de l’affaire. La Bourse de Buenos Aires a clôturé lundi en baisse de 5,58%, avec des reculs allant jusqu’à 8% pour certaines actions. Javier Milei, au pouvoir depuis 14 mois et champion de l’ultralibéralisme, affronte son premier épisode potentiellement très délicat depuis son élection surprise. Le « Cryptogate » vient entacher un début de mandat jusque-là marqué par des succès sur le front économique.