Une décision du Conseil d’État suscite l’indignation : le maintien du statut de réfugié accordé à un ressortissant algérien, malgré sa condamnation en 2019 à quatre ans de prison pour agression sexuelle sur mineur. L’homme de 31 ans craignait des persécutions dans son pays d’origine en raison de sa transition de genre.
Un parcours judiciaire controversé
L’affaire débute en 2020, lorsque Medhi F. demande l’asile à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Un an plus tôt, il avait été condamné pour des faits d’agression sexuelle sur un mineur de moins de 15 ans, ainsi qu’à une interdiction du territoire français. L’Ofpra refuse sa demande en invoquant le code de l’entrée et du séjour des étrangers :
Le statut de réfugié est refusé […] si la personne a été condamnée en dernier ressort en France soit pour un crime, soit pour un délit […] puni de dix ans d’emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société.
– Article L. 511-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers
Cependant, Medhi F. porte son dossier devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). En 2023, cette dernière casse la décision de l’Ofpra et lui accorde la qualité de réfugié, estimant que le texte exige la réunion de deux conditions : une condamnation et une menace grave pour la société à la date de la décision.
Une menace écartée par la CNDA
Pour la CNDA, si la condamnation est indiscutable, la menace actuelle ne l’est pas. Plusieurs éléments sont avancés :
- L’engagement volontaire de Medhi F. dans des protocoles de soins et d’insertion professionnelle dès le début de sa détention
- Le relèvement judiciaire en 2021 de l’interdiction du territoire prononcée à son encontre
- L’expression de regrets et d’une volonté de réinsertion sociale et professionnelle
- Un suivi psychiatrique et associatif
De plus, une expertise psychiatrique de 2022 estimait qu’il n’y avait “pas d’élément appuyant l’hypothèse d’une récidive possible”.
Le Conseil d’État valide le raisonnement
Le 15 juillet 2024, le Conseil d’État a donné raison à la CNDA. Selon l’avocate de Medhi F., ce dernier craignait d’être persécuté à son retour en Algérie en raison de sa transition de genre entamée en France.
Cette décision, révélée quelques jours après le meurtre d’une jeune fille par un ressortissant marocain déjà condamné pour viol, suscite de vives réactions. Elle interroge sur l’appréciation de la “menace grave pour la société” dans les procédures d’asile, et sur la prise en compte des risques de persécution dans les pays d’origine, y compris pour des personnes condamnées.
Un débat de société relancé
Au-delà du cas individuel, cette affaire ravive le débat sur l’équilibre entre droit d’asile et protection de la société. Si les craintes de persécution doivent être prises en compte, jusqu’où la gravité des faits commis en France peut-elle être relativisée ? Le statut de réfugié peut-il primer sur la dangerosité évaluée d’un individu ?
Ces questions délicates appellent une réflexion approfondie sur les critères d’octroi et de maintien de la protection internationale. Entre intégration des personnes vulnérables et prévention de la récidive, le juste équilibre reste à trouver. La décision du Conseil d’État ne manquera pas de nourrir le débat, à l’heure où le gouvernement affiche sa volonté de renforcer les contrôles aux frontières.