Alors que la Syrie est le théâtre de nouveaux affrontements depuis une semaine, replongeons dans les années sombres qui ont dévasté le pays. Le lourd bilan de ce conflit qui perdure depuis 2011 se chiffre en centaines de milliers de vies brisées et en millions de destins bouleversés.
Aux origines du chaos syrien
Tout commence en mars 2011 lorsqu’un vent de révolte souffle sur la Syrie, gouvernée d’une main de fer par le clan Assad depuis 40 ans. À Deraa, la répression sanglante d’un mouvement de protestation d’adolescents met le feu aux poudres. La contestation s’étend rapidement à travers le pays, se heurtant à une riposte brutale du régime.
Dès juillet, l’opposition s’arme et s’organise avec la création de l’Armée syrienne libre, composée de civils et de déserteurs de l’armée régulière. Le soulèvement populaire se mue en rébellion armée, s’emparant de bastions comme Homs et Alep.
Le régime contre-attaque
En 2012, les forces loyalistes lancent l’assaut pour reprendre le contrôle des zones tombées aux mains des rebelles. Malgré une résistance acharnée, Homs puis une partie de Damas sont reconquises dans un bain de sang.
L’Iran et le mouvement libanais Hezbollah, alliés de Bachar al-Assad, s’engagent militairement à ses côtés dès 2013. Leur soutien sera décisif pour maintenir le régime à flot malgré les revers.
L’ombre des armes chimiques
En août 2013, le monde est sous le choc après le largage présumé d’armes chimiques par le régime sur les zones rebelles près de Damas, tuant plus d’un millier de civils selon Washington. Dix ans plus tard, des mandats d’arrêt internationaux seront émis contre Bachar al-Assad et des hauts gradés, soupçonnés de crimes contre l’humanité.
L’hydre jihadiste
Profitant du chaos, le groupe État islamique s’implante en Syrie à partir de 2014, conquérant de vastes territoires où il proclame son « califat ». Une coalition internationale menée par les États-Unis se forme pour le combattre. Après une lutte acharnée, les forces kurdes, soutenues par les Occidentaux, parviendront à abattre le « califat » en 2019.
La Russie change la donne
L’entrée en scène de la Russie en 2015 via une intervention militaire massive renverse le cours de la guerre. Avec l’appui de l’aviation russe, le régime syrien multiplie les victoires, reprenant Alep et les fiefs rebelles. En 2018, des frappes tripartites américaines, françaises et britanniques visent des sites du régime en représailles à de nouvelles attaques chimiques. Mais sans vraiment freiner la reconquête du terrain par Damas.
Une paix en trompe-l’œil
Un accord russo-turc instaure un cessez-le-feu en 2020, sonnant la fin des grandes offensives. Mais les violences sporadiques et les raids aériens ne cessent pas, faisant encore des milliers de victimes chaque année. En toile de fond, la lutte antiterroriste continue avec des opérations d’envergure contre les cellules jihadistes persistantes.
Sortir de l’isolement
Sur le plan diplomatique, le régime syrien, paria en 2011, opère un retour en force. En mai 2023, il est réintégré dans la Ligue arabe, tournant la page de son exclusion pour la répression de la révolte. Mais la normalisation se fait au prix de l’impunité pour les exactions massives.
Les années passent, mais la Syrie demeure une poudrière où s’entrechoquent les intérêts et rivalités de puissances étrangères. Israël y mène des raids réguliers, visant à contrer l’influence iranienne et les transferts d’armes vers le Hezbollah libanais.
Le réveil des braises
Et les braises de la guerre civile se ravivent fin 2024, avec une spectaculaire offensive de rebelles et jihadistes leur permettant de reprendre Alep et Hama, bastions perdus de longue date. Preuve que malgré la résilience du régime Assad, rien n’est réglé sur le fond.
Aujourd’hui, la Syrie entre dans sa 14ème année de conflit avec un terrible bilan humain de plus de 500 000 morts, ainsi que des destructions massives et une économie en lambeaux. Plus de la moitié des Syriens ont fui leurs foyers, se retrouvant déplacés dans leur propre pays ou réfugiés à l’étranger.
14 ans après, les plaies béantes du conflit sont loin d’être refermées. Les souffrances du peuple syrien perdurent, dans l’indifférence grandissante de la communauté internationale. Le chemin vers une paix durable et une reconstruction du pays semble encore bien long et incertain, au gré des rapports de force régionaux et mondiaux. Le sort de la Syrie reste suspendu à des intérêts qui la dépassent.