Alors que le conflit israélo-palestinien entre dans son dixième mois, la violence atteint des niveaux sans précédent dans la bande de Gaza. Les combats font rage, les civils fuient en masse, et l’espoir d’une trêve semble s’amenuiser de jour en jour. Pourtant, des négociations cruciales sont en cours à Doha, au Qatar, où les chefs du Mossad et de la CIA tentent de trouver une issue à cette guerre qui a déjà fait des milliers de victimes.
Une offensive militaire d’une ampleur inédite
Depuis le 7 octobre 2023, date du déclenchement des hostilités, l’armée israélienne mène une vaste opération militaire dans la bande de Gaza, avec pour objectif affiché de démanteler les infrastructures du Hamas et de libérer les Israéliens retenus en otage. Après avoir concentré ses efforts sur le nord du territoire palestinien, Tsahal a récemment intensifié son offensive dans le centre et le sud de l’enclave.
Le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, s’est félicité des “réussites” de l’armée, affirmant qu’elle avait “éliminé ou blessé 60% des terroristes du Hamas”. Un bilan impossible à vérifier de source indépendante, mais qui témoigne de la détermination d’Israël à poursuivre ses opérations jusqu’à ce que ses objectifs soient atteints.
Choujaïya, épicentre des combats
Ces derniers jours, c’est le quartier de Choujaïya, dans l’est de Gaza ville, qui a été le théâtre des affrontements les plus violents. Après deux semaines d’intenses combats, l’armée israélienne a annoncé mercredi soir avoir achevé ses “opérations” dans cette zone, assurant avoir démantelé “huit tunnels” et éliminé “des dizaines de terroristes”.
Mais le bilan est aussi très lourd côté palestinien. Mardi soir, une frappe israélienne sur une école de l’ONU servant d’abri à des déplacés a fait 29 morts à Abassan, au sud de Gaza. L’armée affirme avoir visé un “terroriste”, mais l’attaque a suscité une vague d’indignation internationale. Au total, au moins 50 civils palestiniens ont péri dans des bombardements sur des écoles ces derniers jours.
Ce massacre est la continuation du crime de génocide que l’armée d’occupation a lancé contre notre peuple.
– Le Hamas
Des milliers de Gazaouis fuient les combats
Face à l’intensification des combats, Tsahal a largué mercredi des tracts sur Gaza, appelant “toutes les personnes” à quitter la ville en empruntant des “corridors de sécurité” vers le sud. Une mesure rarissime, qui rappelle tristement l’exode de milliers de Palestiniens lors de la création d’Israël en 1948.
Selon des sources palestiniennes, des dizaines de milliers d’habitants ont déjà fui la zone de combats, trouvant pour certains refuge dans les locaux de l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens (UNRWA). Une situation humanitaire catastrophique, aggravée par les pénuries de nourriture, d’eau et d’électricité qui frappent Gaza depuis le début du conflit.
Une guerre qui fait des ravages dans les hôpitaux gazaouis
Les hôpitaux de Gaza sont eux aussi submergés par l’afflux de blessés, civils comme combattants. Faute de matériel médical suffisant, ils peinent à prodiguer des soins de qualité. Selon Médecins sans frontières, aucun camion d’aide de l’ONG n’a pu entrer dans Gaza depuis fin avril, entraînant de graves pénuries de compresses, gants chirurgicaux et autres fournitures essentielles.
Nous recevons des personnes blessées dans des bombardements, par balle, des attaques de drones. Nous voyons des gens qui vivent dans des conditions si précaires qu’ils cuisinent à même le sol et le poêle explose.
– Amber Alayyan, responsable du programme médical pour la Palestine de MSF
Des négociations cruciales à Doha
C’est dans ce contexte dramatique que se déroulent actuellement à Doha, capitale du Qatar, des négociations indirectes entre Israël et le Hamas en vue d’un cessez-le-feu. Sous l’égide de l’Égypte, médiateur historique, les chefs de la CIA et du Mossad tentent de trouver un terrain d’entente pour mettre fin à dix mois d’une guerre dévastatrice.
Pour le Hamas, la priorité est d’obtenir un allègement du blocus israélien imposé à Gaza depuis 2007. Le mouvement islamiste réclame également la libération de centaines de ses membres détenus par Israël. En échange, il se dit prêt à restituer les corps de soldats israéliens tués au combat et les civils qu’il détient.
Côté israélien, on souhaite avant tout le démantèlement de l’infrastructure militaire du Hamas et la restitution des otages. Mais le nouveau gouvernement de Benjamin Netanyahu, le plus à droite de l’histoire d’Israël, semble peu enclin au compromis. Nombre de ses ministres prônent une offensive jusqu’au bout pour en finir avec la “menace” que représente à leurs yeux le Hamas.
Le soutien du Hezbollah, facteur de complication
Un autre élément pourrait compliquer les négociations : le soutien apporté au Hamas par le Hezbollah libanais. Le chef du mouvement chiite, Hassan Nasrallah, a réaffirmé mercredi qu’il appuyait les revendications des Palestiniens et qu’il mettrait fin à ses attaques transfrontalières contre Israël si un accord de trêve était trouvé à Doha.
Ce que le Hamas accepte, nous l’acceptons. Et ce qui satisfait le Hamas nous satisfait.
– Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah
Mais l’engagement du Hezbollah aux côtés du Hamas est vu d’un très mauvais œil par Israël. L’État hébreu craint qu’en cas de cessez-le-feu à Gaza, le mouvement libanais n’en profite pour renforcer l’arsenal du Hamas, en vue d’une prochaine confrontation. Un scénario cauchemardesque pour les stratèges israéliens.
La communauté internationale appelée à agir
Face à l’enlisement du conflit, l’Autorité palestinienne a appelé mercredi la communauté internationale à condamner les “crimes” d’Israël, notamment les conditions de détention des prisonniers palestiniens. Lors d’une réunion avec des diplomates étrangers à Ramallah, en Cisjordanie occupée, des responsables palestiniens ont diffusé des vidéos montrant les mauvais traitements subis par les détenus.
C’est contraire à toutes les lois relatives aux droits humains et cela doit cesser.
– Varsen Aghabekian Shahin, ministre d’État aux Affaires étrangères de l’Autorité palestinienne
Mais au-delà de la question des prisonniers, c’est toute la gestion du conflit par Israël qui est pointée du doigt. Des ONG et des experts de l’ONU accusent l’armée israélienne de cibler délibérément des civils et des infrastructures, en violation du droit international humanitaire. Ils exhortent la Cour pénale internationale à ouvrir une enquête pour crimes de guerre.
Jusqu’à présent, la communauté internationale est cependant restée largement passive face au drame qui se joue à Gaza. À l’exception de timides appels à la “retenue” et au “dialogue”, la plupart des grandes puissances se gardent d’exercer une réelle pression sur Israël, craignant de s’aliéner cet allié stratégique au Moyen-Orient.
Reste à savoir si les négociations de Doha, sous le parrainage discret des États-Unis, permettront d’infléchir le cours de cette guerre meurtrière. À l’heure où nous écrivons ces lignes, aucune percée décisive n’a été annoncée. Et pendant ce temps, les armes continuent de parler à Gaza, au détriment des civils pris en étau. Une tragédie sans fin, qui rappelle cruellement que 70 ans après la création d’Israël, la paix est toujours un mirage au Proche-Orient.