Dans un petit salon de Crisolles, une table encombrée de vieilles enveloppes déborde de souvenirs. Des photos jaunies capturent des instants de lutte : pancartes brandies, visages déterminés, poings levés. Ces images racontent une bataille de trente ans contre un ennemi invisible, l’amiante, et un homme, Marcel Lagant, qui a porté ce combat jusqu’à ses 80 ans. Aujourd’hui, il plie bagage, non par lassitude, mais parce que personne ne prendra sa relève.
Un Combat Contre l’Amiante, une Vie de Résistance
Marcel Lagant n’a jamais cherché la lumière. À 80 ans, cet homme discret, ancien ouvrier, a consacré plus de deux décennies à défendre les victimes de l’amiante en Picardie. Son association, créée dans les années 1990, était un refuge pour ceux dont la santé a été ravagée par ce matériau autrefois omniprésent dans l’industrie. Mais en avril 2025, lors d’une ultime assemblée générale, il a annoncé la dissolution de cette structure, faute de successeur.
Pourquoi ce combat s’essouffle-t-il ? L’amiante, bien que banni en France depuis 1997, continue de faire des victimes. Les maladies liées à l’amiante, comme le mésothéliome, peuvent apparaître des décennies après l’exposition. Pourtant, la mobilisation s’érode, et les structures locales comme celle de Marcel peinent à survivre. Cette histoire est celle d’un homme, mais aussi d’un enjeu de société qui dépasse les frontières de l’Oise.
L’Amiante : Un Poison Silencieux
L’amiante était autrefois célébré comme un matériau miracle : résistant au feu, isolant, bon marché. Utilisé dans les bâtiments, les usines, et même les écoles, il a exposé des millions de travailleurs à ses fibres mortelles. En France, on estime que l’amiante pourrait causer jusqu’à 100 000 décès d’ici 2050, selon des études de santé publique. Les victimes, souvent des ouvriers, découvrent leur maladie des années après leur exposition, quand il est trop tard.
« On ne savait pas que c’était dangereux. On travaillait sans masque, sans protection. Et aujourd’hui, on paye le prix. »
Un ancien collègue de Marcel, décédé d’un cancer lié à l’amiante.
Marcel a vu trop de ses camarades partir. Chaque photo sur sa table est un rappel de ces vies brisées. Son association aidait les victimes à obtenir des indemnisations, à comprendre leurs droits, et à faire entendre leur voix. Mais cette mission, aussi essentielle soit-elle, repose sur des épaules fatiguées.
Marcel Lagant : Un Homme au Service des Autres
À Crisolles, Marcel est une figure respectée. « Il a abattu un boulot considérable pour l’intérêt général », confie un ancien membre de l’association. Depuis 2002, il a organisé des permanences, des manifestations, et des réunions pour sensibiliser à la cause. Mais à 80 ans, il admet ne plus avoir l’énergie pour continuer. « J’ai cherché un successeur, mais personne n’a levé la main », explique-t-il, un mélange de résignation et de fierté dans la voix.
Les chiffres clés du combat de Marcel :
- 30 ans de lutte contre les dangers de l’amiante.
- Des centaines de victimes accompagnées pour leurs démarches.
- 2002 : début de son mandat à la tête de l’association.
- 2025 : dissolution officielle de l’association.
Son engagement n’a jamais été motivé par la reconnaissance. Pour Marcel, il s’agissait de justice. « Ces gens ont travaillé dur, ils méritent qu’on se batte pour eux », dit-il. Pourtant, la dissolution de son association marque un tournant : désormais, seule une structure nationale prendra le relais dans l’Oise, laissant un vide pour les victimes locales.
Pourquoi la Relève Manque-t-elle ?
La dissolution de l’association de Marcel soulève une question cruciale : pourquoi la jeune génération ne s’empare-t-elle pas de ce combat ? Plusieurs raisons peuvent l’expliquer :
- Méconnaissance du sujet : L’amiante, banni depuis près de 30 ans, semble appartenir au passé pour beaucoup.
- Complexité des démarches : Accompagner les victimes demande du temps, des compétences juridiques, et une détermination sans faille.
- Épuisement militant : Les combats de longue date, comme celui-ci, peuvent décourager les nouveaux venus.
Pourtant, le combat est loin d’être terminé. Les victimes continuent d’affluer, et les enjeux de santé publique restent criants. Sans structures locales, les malades risquent de se sentir abandonnés, loin des permanences nationales souvent moins accessibles.
Un Héritage à Préserver
Marcel laisse derrière lui un héritage précieux. Ses années de lutte ont permis de sensibiliser, d’obtenir des indemnisations, et de faire avancer la législation sur l’amiante. Mais cet héritage est fragile. Sans mobilisation, les progrès risquent de stagner. Comment perpétuer ce combat ?
Une piste pourrait être la sensibilisation des jeunes générations. En intégrant l’histoire de l’amiante dans les programmes scolaires ou les formations professionnelles, on pourrait raviver l’intérêt pour cette cause. Les associations nationales, quant à elles, doivent renforcer leur présence locale pour combler le vide laissé par des figures comme Marcel.
« Ce n’est pas fini. Tant qu’il y aura des victimes, il faudra se battre. »
Marcel Lagant, lors de sa dernière assemblée générale.
Les Enjeux Actuels de l’Amiante
Si l’amiante est interdit, ses traces persistent. De nombreux bâtiments construits avant 1997 en contiennent encore, posant des risques lors de rénovations ou de démolitions. Les travailleurs du bâtiment, mais aussi les habitants, restent exposés. Voici les défis majeurs :
Défi | Solution proposée |
---|---|
Présence d’amiante dans les bâtiments | Renforcer les diagnostics et les normes de désamiantage. |
Manque de sensibilisation | Campagnes d’information auprès des professionnels et du public. |
Accès aux indemnisations | Simplifier les démarches administratives pour les victimes. |
Ces enjeux montrent que la lutte contre l’amiante est loin d’être terminée. Elle demande une mobilisation collective, des pouvoirs publics aux citoyens, pour protéger les générations futures.
Vers un Avenir Incertain
En refermant les enveloppes de photos, Marcel Lagant ne cache pas son inquiétude. « J’espère que quelqu’un reprendra le flambeau », murmure-t-il. Son combat, bien que local, a eu un impact national, inspirant d’autres associations et contribuant à des avancées législatives. Mais sans relève, cet élan pourrait s’essouffler.
La dissolution de l’association de Marcel est un signal d’alarme. Elle rappelle que les combats sociaux, même les plus justes, dépendent de l’engagement humain. Pour que les victimes de l’amiante ne tombent pas dans l’oubli, il faut raviver la flamme, mobiliser, et donner un nouveau souffle à cette cause.
Et vous, que pouvez-vous faire ?
Soutenez les associations nationales, informez-vous sur les dangers de l’amiante, et partagez cette histoire pour que le combat de Marcel continue.
Marcel Lagant a rangé ses photos, mais son histoire reste vivante. Elle nous rappelle que derrière chaque lutte, il y a des visages, des voix, et des espoirs. À nous de les porter, pour que justice soit faite.