Imaginez l’incroyable cauchemar vécu par Martine Gelloz, une septuagénaire qui doit aujourd’hui prouver qu’elle est bien vivante, après avoir été déclarée morte par erreur. À 72 ans, cette habitante de Saint-Ours dans les Bauges se retrouve privée de sa pension de retraite et doit se lancer dans une bataille administrative surréaliste pour faire reconnaître son existence.
Un imbroglio kafkaïen qui commence par une confusion d’identité
Tout a commencé le 15 octobre dernier, lorsque la cousine de Martine est décédée. En tant que proche, Martine s’est chargée des obsèques et a rempli tous les documents nécessaires, y compris le certificat de décès. Mais c’est là que l’impensable s’est produit : la Sécurité sociale aurait confondu les identités des deux femmes, déclarant Martine morte à la place de sa cousine.
Le 2 décembre, c’est la douche froide. Martine constate que sa pension de retraite n’a pas été versée. Quand elle contacte sa caisse de retraite, on lui assène cette phrase surréaliste : « Madame, vous êtes déclarée décédée depuis le 15 octobre ». Un véritable choc pour la septuagénaire, qui se retrouve soudainement privée de ses revenus et de son existence administrative.
« Débrouillez-vous, ce n’est pas notre problème »
Face à cette situation ubuesque, Martine tente de faire rectifier l’erreur. Mais c’est là que commence un véritable parcours du combattant. Quand elle contacte la Sécurité sociale, on lui répond froidement : « Débrouillez-vous, ce n’est pas notre problème, c’est à vous de prouver que vous êtes vivante ». Un manque d’empathie qui choque profondément Martine.
Moralement, ça m’a choqué. La personne que j’ai eue au téléphone, je lui ai dit « mais Madame, vous connaissez le mot empathie ? » Elle n’a pas répondu.
Martine Gelloz
Un « certificat de vie » délivré par le maire
Pour prouver son existence, Martine n’a d’autre choix que de demander un « certificat de vie » auprès de sa mairie. Un document surréaliste, que le maire lui délivre en attestant qu’il l’a bien vue « debout sur ses deux jambes ». Munie de ce précieux sésame, Martine peut enfin faire rétablir sa pension de retraite.
Mais son combat est loin d’être terminé. Sa carte vitale a été supprimée, alors qu’elle suit des traitements médicaux. Elle doit maintenant se lancer dans de nouvelles démarches pour faire reconnaître ses droits à l’Assurance maladie.
Un cas loin d’être isolé
Malheureusement, l’histoire de Martine est loin d’être un cas unique. Les erreurs administratives déclarant des personnes mortes arrivent régulièrement, plongeant les victimes dans des situations kafkaïennes. En 2017, on estimait que près de 20 000 personnes étaient indûment déclarées mortes chaque année en France.
Souvent, ces erreurs sont liées à des confusions d’identité, en particulier quand les personnes portent des noms similaires ou sont nées à la même date. Des bugs informatiques ou des erreurs de saisie peuvent aussi être en cause.
Un véritable enfer administratif
Pour les victimes, c’est le début d’un véritable calvaire. Du jour au lendemain, elles se retrouvent privées de leurs droits, de leurs revenus, parfois même de leur logement ou de leurs comptes bancaires. Elles doivent alors se lancer dans un combat administratif long et éprouvant pour faire reconnaître leur existence.
Car prouver que l’on est vivant n’est pas une mince affaire. Il faut réunir de nombreux documents (certificat de vie, acte de naissance, justificatif de domicile…), multiplier les courriers et les appels téléphoniques, parfois même aller jusqu’au tribunal pour faire rectifier l’état civil. Un véritable parcours du combattant qui peut durer des mois, voire des années.
C’est incroyable qu’on puisse encore vivre ce genre de situation de nos jours. On a l’impression d’être dans un film de Kafka, c’est complètement surréaliste.
Pierre, déclaré mort par erreur en 2019
Un système à réformer d’urgence
Pour les associations de défense des citoyens, ces erreurs à répétition mettent en lumière les défaillances du système administratif français. Elles appellent à une réforme en profondeur, avec la mise en place de procédures de contrôle plus strictes et d’un accompagnement renforcé des victimes.
Car au-delà des tracas administratifs, c’est bien la dignité des personnes qui est en jeu. Être déclaré mort, c’est voir son existence niée, sa parole mise en doute. C’est devoir se battre pour prouver que l’on mérite sa place parmi les vivants. Un combat éprouvant, qui laisse souvent des traces indélébiles.
Pour Martine, cette expérience aura été profondément traumatisante. Mais elle est bien décidée à aller jusqu’au bout, pour faire reconnaître son bon droit et s’assurer que ce cauchemar ne se reproduira plus.
Une histoire incroyable, qui nous rappelle la fragilité de notre existence administrative et l’importance de toujours garder des preuves de vie. Car dans notre société hyper-bureaucratisée, il ne suffit plus d’être en chair et en os pour exister aux yeux de l’État. Il faut aussi, et surtout, avoir les bons papiers.