C’est un dossier complexe et sensible qui occupe la diplomatie française depuis de nombreuses années. Serge Atlaoui, un ressortissant français, se trouve dans le couloir de la mort en Indonésie depuis 2007, condamné à la peine capitale pour trafic de drogue. Mais Paris n’a jamais abandonné l’espoir d’obtenir son retour au pays. Et vient de franchir une nouvelle étape dans ce long combat.
D’après une source proche du dossier, la France a en effet transmis fin décembre une demande officielle de « transfèrement » aux autorités indonésiennes. Un courrier qui émane directement du ministère français de la Justice. Jakarta a bien accusé réception de cette requête et s’est engagé à l’étudier. Mais le chemin sera encore long avant une éventuelle issue positive.
Un français piégé en Indonésie
L’histoire de Serge Atlaoui commence en 2005. Cet artisan soudeur de Metz est alors arrêté dans une usine de la banlieue de Jakarta. Les autorités indonésiennes y ont découvert un laboratoire clandestin de production d’ecstasy. Serge Atlaoui affirme être simplement venu installer des machines, pensant avoir affaire à une manufacture légale. Mais la justice locale n’est pas de cet avis.
Lors de son procès, le Français de 61 ans aujourd’hui est décrit comme un élément clé du trafic, jouant le rôle de « chimiste ». Une qualification qu’il conteste avec force. Initialement condamné à la perpétuité, il voit sa peine alourdie en appel. En 2007, la Cour Suprême indonésienne le condamne finalement à la peine de mort.
L’Indonésie, l’une des législations antidrogue les plus sévères au monde
Le verdict fait l’effet d’un choc, d’autant que l’Indonésie est connue pour sa politique de tolérance zéro envers le trafic de stupéfiants. Le pays d’Asie du Sud-Est applique l’une des législations antidrogue les plus répressives de la planète. Actuellement, au moins 530 condamnés se trouvent dans le couloir de la mort, dont une centaine d’étrangers. La plupart pour des affaires liées aux stupéfiants.
Face à cette sentence, la mobilisation s’organise en France pour tenter de sauver Serge Atlaoui. Sa famille, ses proches, multiplient les initiatives. Un comité de soutien voit le jour. Pétitions, manifestations, prises de parole dans les médias : tout est bon pour alerter l’opinion et faire pression sur les gouvernements français et indonésiens.
2015 : Serge Atlaoui échappe de peu à l’exécution
Le combat atteint son paroxysme en avril 2015. Serge Atlaoui fait alors partie d’un groupe de neuf condamnés à mort qui doivent être exécutés sur l’île de Nusa Kambangan, surnommée « l’Alcatraz indonésienne ». Au dernier moment, le Français est retiré de la liste. Paris est parvenu à convaincre Jakarta de surseoir à l’application de la sentence, le temps qu’un ultime recours soit examiné.
Mais ce n’est qu’un répit de courte durée. Quelques mois plus tard, ce recours est rejeté. Depuis, Serge Atlaoui vit avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. À tout moment, les autorités indonésiennes peuvent décider de procéder à son exécution. Une situation intenable pour ses proches, qui ne cessent d’alerter sur l’urgence d’agir.
De premiers signes d’ouverture côté indonésien
La demande de transfèrement déposée par la France constitue donc un nouvel espoir dans ce long combat. D’autant que Jakarta a donné ces derniers mois des signes d’ouverture. Mi-décembre, l’Indonésie a ainsi accepté de renvoyer aux Philippines une ressortissante condamnée à mort pour trafic de drogue en 2010. Un geste significatif.
De même, début décembre, un tribunal indonésien a commué la peine capitale d’un Français en 19 ans de prison. Félix Dorfin avait été arrêté en 2018 à l’aéroport de Lombok avec plusieurs kilos de drogues dans ses bagages. Là encore, il a toujours clamé son innocence, affirmant avoir été piégé.
Autant de signaux qui laissent penser que la position indonésienne est peut-être en train d’évoluer sur ces dossiers sensibles. Mais la prudence reste de mise du côté français. Car si Jakarta devait accepter la demande de transfèrement de Serge Atlaoui, cela créerait un précédent majeur. Et nombreux sont les pays qui pourraient s’engouffrer dans la brèche.
Un dossier à hauts risques diplomatiques
La France le sait, elle joue une partition délicate. Trop de pression sur les autorités indonésiennes pourrait s’avérer contre-productive. Paris doit donc avancer ses pions avec précaution sur cet échiquier diplomatique. D’autant que d’autres dossiers sensibles sont en jeu entre les deux pays, notamment sur le plan économique et stratégique.
Mais difficile pour le gouvernement français de rester inactif face au sort d’un citoyen. Surtout depuis l’abolition de la peine de mort en France en 1981. Œuvrer au rapatriement de Serge Atlaoui est donc une priorité, martelée par tous les locataires successifs du Quai d’Orsay. Jusqu’à, peut-être, obtenir gain de cause ?
Une chose est sûre : le combat est encore loin d’être gagné. Les discussions qui s’annoncent avec Jakarta s’inscrivent dans un temps long. Le temps de la diplomatie n’est pas celui de l’urgence dans laquelle vivent les proches de Serge Atlaoui. Mais ils veulent croire que leur mobilisation sans faille depuis 15 ans finira par payer. Et qu’un jour, celui qu’ils n’ont jamais cessé de soutenir franchira à nouveau la porte de sa prison. En homme libre.