Le réalisateur canadien David Cronenberg a une fois de plus créé la stupeur au Festival de Cannes avec son dernier film “Les Linceuls”. Ce long-métrage en compétition officielle plonge le spectateur dans les profondeurs abyssales du deuil à travers le personnage de M. Karsh, un veuf inconsolable campé par Vincent Cassel. Mais le résultat à l’écran est loin de convaincre, offrant un spectacle pathétique qui peine à émouvoir.
Un homme prisonnier de son chagrin
Dans “Les Linceuls”, M. Karsh est incapable de surmonter la perte de sa femme. Brillant homme d’affaires de Toronto, il semble s’enfoncer jour après jour dans une spirale autodestructrice. Son deuil contamine jusqu’à sa santé dentaire, comme en témoigne la première scène chez le dentiste. Métaphore un peu grossière d’une âme qui pourrit de l’intérieur.
Le personnage va jusqu’à ouvrir un restaurant avec vue… sur un cimetière ! Un cadre pour le moins lugubre pour un dîner en ville. Mais Karsh ne s’arrête pas là. Il développe une technologie permettant de filmer en direct la décomposition des corps, enveloppés dans des linceuls futuristes. Les familles peuvent ainsi suivre le triste spectacle sur des écrans installés sur les tombes. Une prouesse technologique pour le moins dérangeante.
La nécrophilie comme exutoire
Loin d’être aidé par ce dispositif morbide, Karsh semble au contraire s’enfoncer dans une forme de nécrophilie. Depuis le décès de son épouse, il est resté chaste. Cette abstinence paraît altérer son esprit déjà bien malmené par le deuil. Lors de scènes nocturnes perturbantes, on le voit se livrer à des jeux érotiques avec les linceuls vides. Une dérive psychologique inquiétante.
L’amour rend aveugle, mais le deuil rend fou.
Un adage qui résume bien le calvaire de Karsh.
Des dialogues amidonnés
La folie du personnage aurait pu donner lieu à des scènes fortes et poignantes. Hélas, Cronenberg noie son propos sous des tonnes de dialogues sentencieux et ampoulés. Les tirades s’enchaînent de manière artificielle, comme si les personnages récitaient un catéchisme du deuil.
- Des envolées lyriques sur la mort
- Des considérations pseudo-philosophiques sur l’amour éternel
- Des monologues introspectifs interminables
Un manque cruel de mise en scène
Le plus grand problème des “Linceuls” réside sans doute dans son absence totale de mise en scène. Cronenberg se contente de filmer des acteurs qui parlent, sans leur donner de direction artistique. Les plans s’enchaînent sans réelle cohérence visuelle, comme un long flux de conscience ennuyeux.
Décors
Fades et impersonnels
Lumières
Plates et sans contraste
Cadres
Répétitifs et sans audace
Cronenberg pris à son propre piège
Avec “Les Linceuls”, Cronenberg semble prisonnier de ses propres obsessions morbides. À vouloir filmer la mort en face, il en oublie de donner vie à son histoire et à ses personnages. Tout se déroule dans un ton monocorde et prophétique, comme une longue messe funèbre.
Malgré quelques fulgurances esthétiques, notamment dans la représentation des linceuls high-tech, le film peine à marquer durablement les esprits. Il restera sans doute comme l’un des longs-métrages les plus pathétiques de la carrière du réalisateur canadien. Un échec artistique qui a néanmoins le mérite de faire parler de lui. Peut-être était-ce là le but ultime de ce coup de com’ morbide ?En voulant choquer à tout prix, Cronenberg s’est fourvoyé dans le sordide et le glauque.
Un avis largement partagé par la critique cannoise.