Depuis 2019, le temps passé par les patients aux urgences du CHU de Nantes n’a cessé d’augmenter, atteignant en moyenne 8h20 en 2024. Une situation intenable pour les malades comme pour les soignants, dénoncée de longue date par les syndicats. Mais aujourd’hui, la direction sort enfin de son silence et annonce une batterie de mesures pour endiguer cette crise majeure.
Un constat alarmant et des morts évitables
D’après une source proche de l’hôpital, plusieurs décès de patients cet été seraient imputables aux délais d’attente excessifs aux urgences. Une situation qui a mis le feu aux poudres et poussé la direction à sortir de sa réserve. Car en l’espace de 5 ans, le temps passé par les malades dans le service a bondi de 33%, les contraignant parfois à patienter pendant de longues heures sur des brancards, dans des conditions indignes.
Le Professeur Éric Batard, chef des urgences, tire la sonnette d’alarme :
Nos services sont devenus un goulot d’étranglement. Faute de places dans les autres unités, les patients s’entassent chez nous dans des conditions déplorables. C’est un cercle vicieux qui détériore la prise en charge et fait fuir les soignants.
Les facteurs aggravants
Plusieurs éléments expliquent cet engorgement critique :
- Le manque criant de lits d’aval disponibles pour transférer les patients
- Le vieillissement de la population, avec des prises en charge plus lourdes et des sorties d’hôpital complexes
- Les difficultés de recrutement des structures de soins à domicile
- L’évolution des profils des malades arrivant aux urgences, avec des pathologies plus graves
Face à ce constat, la direction du CHU a décidé de frapper fort en annonçant un plan d’action massif pour désengorger les urgences et améliorer les conditions d’accueil.
Des mesures immédiates
Dès maintenant, une unité médico-chirurgicale de 12 lits sera ouverte toute l’année pour absorber les patients des urgences. Les effectifs seront également renforcés, avec des embauches ciblées de médecins et d’infirmiers. L’accent sera mis sur la sécurisation de la salle d’attente.
Des plages de scanner supplémentaires seront dédiées aux urgences pour accélérer le diagnostic. Et l’hospitalisation à domicile sera développée, pour libérer des lits.
Des changements de fond
Mais la direction veut aller plus loin, avec une refonte en profondeur de l’organisation. À moyen terme, de nouveaux lits de médecine polyvalente et de soins de suite ouvriront pour fluidifier le parcours des patients.
L’hospitalisation à domicile sera prescrite directement aux urgences pour éviter les passages inutiles. Et un “bed manager” sera nommé pour optimiser l’affectation des lits dans tout l’hôpital.
Notre plan vise les principaux points de blocage. Nous devons absolument retrouver des conditions d’accueil dignes et sereines pour remplir nos missions, martèle le professeur Batard.
Les premiers résultats
La direction se veut optimiste et assure que des premières retombées sont déjà visibles. La réservation systématique de lits pour les urgences dans les autres services permet de transférer plus rapidement les malades. La réorientation vers la médecine de ville de certaines pathologies bénignes a aussi soulagé les équipes.
Mais pour les syndicats, la route est encore longue avant un retour à la normale :
C’est un premier pas important, mais il faudra du temps pour inverser la tendance et rendre ces mesures pérennes. L’hôpital public reste sous-doté.
Le CHU de Nantes n’est pas un cas isolé. Partout en France, les services d’urgences tirent la langue, au bord de la rupture. Une lame de fond à laquelle le gouvernement devra répondre, au risque de voir l’hémorragie de soignants et la colère des patients s’amplifier.
Un électrochoc nécessaire
Le plan du CHU de Nantes a le mérite de poser des actes forts pour enrayer une spirale infernale. Rajout de lits, embauches, réorganisation des parcours : le cocktail semble prometteur, à condition de maintenir les efforts dans la durée.
Car il en va de la survie de notre système de santé. Faute de réponse à la hauteur, le spectre de morts évitables continuera de planer au dessus des urgences. Un scénario cauchemardesque qui doit être écarté à tout prix.
Le défi est immense, mais le CHU de Nantes semble déterminé à montrer la voie. Espérons que son électrochoc en inspirera d’autres et poussera les autorités à réagir. Car chaque minute perdue, c’est la santé des Français qui est en jeu.