Après des mois d’embellie, le marché de l’emploi français retrouve des couleurs bien sombres. Selon les derniers chiffres du ministère du Travail, le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A a bondi de 3,9% au 4e trimestre 2024 par rapport au trimestre précédent. Il s’agit de la plus forte hausse en 10 ans, hors période Covid. Pourquoi une telle dégradation ? Quelles sont les perspectives pour 2025 ?
Les jeunes, premières victimes de la crise
Avec +8,5% sur le trimestre en France métropolitaine, les moins de 25 ans payent le plus lourd tribut. Un chiffre deux fois plus élevé que la moyenne nationale. Pour Nicolas Durand, PDG d’une société de rénovation, cette situation s’explique par les graves difficultés rencontrées par de nombreuses entreprises :
Nous sommes suspendus au fait que le budget soit acté et que les notifications de MaPrimeRénov’ puissent reprendre normalement comme c’était le cas en 2024.
Nicolas Durand, PDG de Cozynergy Toulouse
Dans l’attente du vote du budget 2025, son entreprise a dû diviser par 10 le nombre de ses chantiers hebdomadaires, passant d’une trentaine fin 2024 à seulement 3 actuellement. Une situation critique partagée par de nombreux secteurs.
Des embauches gelées, des licenciements en hausse
Face aux incertitudes, beaucoup d’employeurs préfèrent temporiser. C’est le cas de Thierry Vinazza, directeur d’une imprimerie. Après de longues hésitations, il s’est résolu à recruter un 4e salarié par absolue nécessité. Mais sans aucune garantie sur la suite :
On a un peu de mal à se projeter, donc on l’a pris parce qu’il nous fallait quelqu’un aujourd’hui à l’atelier, sans certitude qu’on puisse le garder, ou peut-être ne pas le garder à la fin de sa période d’essai.
Thierry Vinazza, directeur d’imprimerie
Une frilosité qui pousse certaines sociétés à se séparer d’une partie de leurs effectifs. Selon des sources proches de plusieurs entreprises, des plans de licenciements économiques seraient actuellement à l’étude, notamment dans l’industrie et les services.
Vers une accélération du chômage en 2025 ?
Pour le Medef, cette hausse du chômage doit faire prendre conscience au gouvernement des conséquences de ses choix budgétaires. L’organisation patronale appelle à tout faire pour préserver la compétitivité des entreprises et ne pas alourdir le coût du travail.
Mais les prévisions de l’Insee ne prêtent guère à l’optimisme. Selon sa dernière note de conjoncture, le taux de chômage pourrait passer de 7,4% actuellement à 7,6% de la population active d’ici à la mi-2025. Des perspectives inquiétantes qui risquent de perdurer tant que la crise économique sévira.
Un bilan en demi-teinte pour le gouvernement
Cette brusque remontée du chômage ternit forcément le bilan de l’équipe gouvernementale. Depuis son arrivée au pouvoir, elle avait fait de la lutte contre le chômage une priorité nationale. Avec des résultats encourageants jusqu’à l’automne 2024 malgré le ralentissement économique :
- Le taux de chômage avait reculé à 7,3% au 3e trimestre.
- Le nombre de demandeurs d’emploi diminuait de manière continue depuis 2 ans.
- Les embauches en CDI avaient atteint un niveau record au 1er semestre.
Mais ce renversement de tendance montre la fragilité des progrès accomplis. Il risque de compliquer la tâche d’un exécutif déjà confronté au blocage du budget 2025 à l’Assemblée nationale. Une nouvelle réforme de l’assurance-chômage, annoncée pour l’été, s’annonce d’ores et déjà délicate.
Quelle politique de l’emploi pour endiguer la hausse ?
Face à la dégradation du marché du travail, de nombreuses voix s’élèvent pour réclamer un changement de cap en matière d’emploi. Parmi les pistes évoquées pour enrayer la spirale du chômage :
- Un soutien accru aux entreprises, via des aides ciblées et des allègements de charges.
- Une relance de l’apprentissage et de la formation professionnelle.
- Des incitations à l’embauche des jeunes et des seniors.
- Un accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi avec plus de moyens pour France Travail.
- Un investissement massif dans les filières et métiers d’avenir.
Des mesures d’urgence qui nécessiteront des moyens financiers conséquents. Encore faudra-t-il qu’elles ne restent pas lettre morte si le budget 2025 venait à être retoqué. Sans quoi, le spectre d’un chômage de masse pourrait à nouveau planer sur l’Hexagone.