Au cœur de l’Amérique centrale, un bras de mer de 80 kilomètres cristallise toutes les attentions. Le canal de Panama, artère cruciale du commerce maritime mondial, se retrouve pris en étau dans la rivalité croissante entre les États-Unis et la Chine. Dernier épisode en date : la violente diatribe de Donald Trump menaçant de « reprendre le contrôle » de ce passage stratégique face à l’emprise grandissante de Pékin.
Un joyau convoité, source de tensions
Reliant les océans Atlantique et Pacifique, le canal de Panama revêt une importance capitale. Pas moins de 5% du trafic maritime mondial y transite, dont une large part du commerce entre l’Asie et la côte est des États-Unis. Un positionnement qui attise les convoitises des grandes puissances, prêtes à tout pour s’assurer le contrôle de ce couloir névralgique.
Achevé par les Américains en 1914 après une décennie de travaux titanesques, le canal était demeuré sous pavillon américain jusqu’en 1999, date de sa rétrocession au Panama. Mais Washington n’a jamais vraiment lâché l’affaire, soucieux de garder un œil sur ce point de passage obligé pour son commerce et sa marine de guerre.
L’offensive chinoise inquiète Washington
Pékin a flairé le potentiel stratégique du canal de Panama. Depuis une décennie, les investissements chinois pleuvent sur l’isthme centraméricain : ports, zones franches, voies ferrées… La Chine est devenue en un temps record le deuxième partenaire commercial du Panama, qui a rompu en 2017 ses relations diplomatiques avec Taïwan au profit de Pékin.
« Le contrôle croissant des entreprises chinoises sur la gestion des ports et des zones franches est un sujet de préoccupation aux États-Unis. »
Sources diplomatiques à Washington
Cette offensive tous azimuts inquiète au plus haut point l’administration américaine. Outre l’enjeu commercial, Washington redoute que Pékin n’utilise sa mainmise sur le canal pour entraver le passage des navires américains en cas de conflit. Un scénario cauchemardesque pour le Pentagone.
Trump dégaine la menace
Dans ce contexte de tensions exacerbées, Donald Trump a choisi l’option musclée. « Les États-Unis ont versé beaucoup de sang et dépensé beaucoup d’argent pour construire le canal de Panama, et nous ne le laisserons pas tomber entre de mauvaises mains », a tonné le président élu sur les réseaux sociaux.
Allant plus loin, le milliardaire républicain a brandi la menace d’une reprise de contrôle unilatérale par les États-Unis, si le Panama s’avérait incapable de contrer l’influence chinoise. Une déclaration explosive, qui a provoqué un tollé au Panama, où l’on refuse catégoriquement toute remise en cause de la souveraineté nationale sur cet ouvrage emblématique.
Le Panama entend défendre sa souveraineté
« Le canal n’est contrôlé, directement ou indirectement, ni par la Chine ni par aucune autre puissance étrangère. En tant que Panaméens, nous rejetons toute remise en cause de cette réalité », a martelé José Raúl Mulino, ancien ministre de la Sécurité, reflétant un sentiment largement partagé dans le pays.
Cette crise soudaine place les autorités panaméennes en porte-à-faux. Tout en défendant leur souveraineté face aux rodomontades américaines, elles sont conscientes de la nécessité de rassurer Washington sur leurs liens avec la Chine. Un exercice d’équilibriste périlleux pour ce petit pays, pris en tenaille entre des géants peu enclins au compromis.
Un avenir incertain
À l’heure où les tensions sino-américaines atteignent des sommets, le sort du canal de Panama reste en suspens. Si une action militaire directe de Washington paraît peu probable, la pression pourrait encore monter d’un cran à la faveur d’une escalade verbale ou de nouvelles sanctions économiques.
Une chose est sûre : dans la grande bataille d’influence que se livrent Chine et États-Unis, le joyau panaméen apparaît comme un levier aussi précieux que convoité. Son contrôle pourrait bien s’avérer décisif pour déterminer qui, de l’aigle ou du dragon, dominera les mers du commerce mondial au XXIe siècle. Le Panama, lui, risque fort de faire les frais de ce bras de fer de titans.
