Au cœur de la région russe de Koursk, un drame silencieux se joue depuis le mois d’août. L’offensive surprise lancée par l’armée ukrainienne a pris de court le Kremlin, mais aussi de nombreuses familles russes, brutalement séparées par la ligne de front. Parmi elles, Anastassia Gridina, 21 ans, pleure sa fille Darina, âgée de seulement trois ans, bloquée en territoire occupé.
L’angoisse d’une mère
Pendant un mois, Anastassia est restée sans nouvelles. Elle a finalement appris que sa fille était “en vie et en bonne santé”, avec des proches. Mais cette jeune mère est prête à tout pour être “réunie” avec Darina. Elle assure même être prête à aller “dans n’importe quelle ville ou région” pour la revoir, insistant que “le plus important, c’est qu’elle ne devrait pas être dans une zone de guerre.”
Cette situation déchirante est la conséquence d’une offensive qui a pris tout le monde de court. Quand les troupes ukrainiennes sont entrées en Russie, Anastassia était temporairement à Moscou pour son travail de comptable. Sa fille, elle, était restée avec sa grand-mère à Lebedevka, un village désormais à moins de 10 kilomètres du front.
Traverser la ligne de front, mission impossible
Poussée par son désir désespéré de revoir sa fille, Anastassia a tenté de traverser la ligne de front. En vain. “Il y avait des explosions, des bombardements et aucun moyen de passer. Il y avait aussi des mines sur la route. Beaucoup de voitures brûlaient”, raconte-t-elle.
La soudaineté de l’offensive n’a laissé aucune chance aux habitants d’évacuer. Résultat : de nombreuses familles se retrouvent divisées, comme celle d’Anastassia. Le contact avec ceux qui se trouvent dans la zone sous contrôle ukrainien est presque impossible, le réseau téléphonique étant coupé.
“Il n’y a pas de réseau là où ils sont. Personne ne sort de là. On a juste le silence, un vide”
Marina, 35 ans, dont le père, l’oncle et la grand-mère sont bloqués.
L’attente insoutenable
Face à cette situation dramatique, les russes concernés scrutent les rares informations disponibles, notamment les vidéos publiées par les reporters ukrainiens, seuls autorisés sur place. Ils cherchent désespérément un visage familier, un signe de vie.
Même la Croix-Rouge russe est impuissante, ne pouvant se rendre dans la partie occupée de Koursk. Son chef, Alexeï Gaponov, estime avoir reçu 5500 demandes de personnes cherchant à retrouver leurs proches. Du côté ukrainien, au moins vingt requêtes similaires arrivent chaque jour, selon le porte-parole du commandement local Oleksiï Dmytrachkivsky.
Beaucoup demandent à ce que leurs proches soient évacués vers l’Ukraine. Impossible répond Dmytrachkivsky, qui y voit un acte de “déportation” et “un acte criminel”. Les civils seraient regroupés dans une école de Soudja, avec de quoi subvenir à leurs besoins vitaux.
L’espoir comme seule arme
En attendant, Anastassia s’accroche à l’espoir. Malgré les difficultés de communication, elle réussit à échanger des messages vidéo avec sa fille. “C’est la seule option. Je ne peux pas entendre la voix de ma fille en direct”, regrette-t-elle.
Déterminée, la jeune mère multiplie les démarches. Elle dit avoir contacté différentes institutions, dont la Croix-Rouge, et même écrit au président Vladimir Poutine. “Je n’ai reçu aucune réponse”, déplore-t-elle.
Cette histoire n’est qu’un exemple parmi tant d’autres du drame humain qui se joue à Koursk. Derrière les communiqués militaires et les déclarations politiques, ce sont des vies brisées, des familles déchirées qui tentent de survivre. Leur combat pour se retrouver, au milieu des bombes et des mines, est le véritable visage de cette guerre qui ne dit pas son nom.