En Bretagne, les éleveurs de moutons font face à un véritable fléau : les vols d’ovins. Un phénomène en recrudescence qui plonge la filière dans le désarroi. Malgré les plaintes systématiques, les coupables courent toujours, laissant les agriculteurs démunis face à ce préjudice financier et moral.
Des vols à répétition qui mettent les nerfs à vif
Matthieu Pirès, éleveur près de Rennes, a subi pas moins de 700 vols en 12 ans. La vidéo virale d’un homme déambulant tranquillement avec un bélier sur le dos en pleine ville l’a sidéré. “Ce qui est étonnant, c’est avec quelle tranquillité il peut se promener avec un mouton en ville en ayant conscience de ne pas risquer grand-chose”, souffle-t-il, amer.
Comme à chaque fois, Matthieu a déposé plainte. Mais sans espoir. “Aucune des plaintes qu’on a pu faire n’a abouti. On déclare systématiquement nos boucs, mais on n’a retrouvé aucune trace d’eux dans un abattoir officiel ou un marchand de bestiaux officiel. On est sur des gens qui savent très bien se passer de la filière légale.”
Un préjudice financier et moral
Ces vols ne sont pas cantonnés à Rennes ou à l’Ille-et-Vilaine. En centre-Bretagne, plusieurs éleveurs en ont été victimes. Pierre-Yves Mahé a par exemple perdu 24 moutons en avril. Selon lui, c’est la viande des ovins qui est recherchée pour être consommée ou revendue. Lui et son épouse ont d’ailleurs retrouvé les peaux de leurs animaux à cinq kilomètres de leur exploitation.
C’est du travail de pro. Il n’y avait pas un gramme de viande de perdu.
Pierre-Yves Mahé, éleveur
Assuré, il a reçu des indemnités pour compenser ces vols, mais il estime le manque à gagner à près de 3.000 euros. “Il y a le préjudice financier, mais aussi le préjudice moral et cela n’a pas de prix. On ne fait pas ce métier pour se faire voler.”
Des éleveurs qui s’organisent face à l’inaction
La gendarmerie locale dit recevoir trop peu de plaintes pour faire des vols de moutons une priorité. En Loire-Atlantique, à une centaine de kilomètres de là, les éleveurs se sont organisés. Ils échangent notamment sur une messagerie commune et ont investi dans des outils de dissuasion.
Ces investissements sont onéreux et pour les amortir, c’est difficile.
Maxime, membre du “Collectif des éleveurs pillés”
Un collectif qui regroupe aujourd’hui une quarantaine d’éleveurs dans le département. Leur nombre fait qu’ils sont plus écoutés. Les gendarmes ont depuis mis en place un dispositif de surveillance renforcé, notamment lors des pics de vols pour les fêtes religieuses de Pâques ou de l’Aïd.
Avec des résultats encourageants puisque depuis cinq ans, les vols de moutons ont fortement diminué en Loire-Atlantique. Mais les éleveurs craignent que les malfaiteurs se soient simplement déplacés dans les départements voisins, faute d’une réponse coordonnée à l’échelle régionale.
Un sentiment d’impunité qui perdure
Car malgré les efforts des éleveurs pour se protéger, le sentiment d’impunité des voleurs semble perdurer. Les images de cet homme se baladant en ville avec un mouton volé sur le dos en sont la triste illustration.
Face à ce fléau, les éleveurs bretons appellent à une prise de conscience des autorités. Ils demandent des moyens supplémentaires pour la gendarmerie, un durcissement des sanctions mais aussi une meilleure traçabilité dans la filière ovine.
Car derrière chaque vol, c’est tout un pan de l’agriculture bretonne qui est fragilisé. Un modèle d’élevage extensif et durable, garant de la qualité des produits et de la préservation des paysages. Un patrimoine que ces éleveurs entendent bien défendre, envers et contre tout.