Au cœur de l’un des pays les plus pauvres du monde, un bras de fer titanesque oppose actuellement la junte militaire malienne et le géant minier canadien Barrick Gold. L’enjeu : le contrôle des immenses ressources aurifères du complexe de Loulo-Gounkoto, dans l’ouest du Mali. Un conflit aux multiples ramifications qui illustre les défis de l’exploitation minière dans un contexte de crise multidimensionnelle.
La saisie des stocks d’or, point d’orgue des tensions
Selon des sources industrielles et sécuritaires, les autorités maliennes ont commencé samedi à exécuter une ordonnance de saisie des stocks d’or présents sur le site de Loulo-Gounkoto, l’un des plus importants complexes aurifères au monde. Cette action spectaculaire marque un nouveau paroxysme dans le conflit qui oppose depuis des mois l’État malien, dirigé par une junte militaire arrivée au pouvoir par la force en 2020, et Barrick Gold, qui détient 80% des parts du complexe.
Un hélicoptère pour saisir l’or
D’après un responsable sécuritaire s’exprimant sous couvert d’anonymat, les autorités ont même envoyé un hélicoptère sur place samedi pour procéder à la saisie. Si le volume et la valeur de l’or saisi restent à confirmer, cette action coup de poing illustre la détermination de la junte à obtenir une part plus importante des revenus générés par l’exploitation de Loulo-Gounkoto.
Barrick Gold menace de suspendre ses opérations
Face à ce qu’elle considère comme une attaque frontale, Barrick Gold a riposté en brandissant la menace d’une suspension pure et simple de ses opérations. Dans une communication interne destinée à ses personnels locaux, le groupe minier a donné à la junte jusqu’à la fin de la semaine passée pour débloquer les stocks, faisant planer le spectre d’un arrêt de la production. Un scénario catastrophe pour les quelque 8000 employés directs et les nombreux prestataires locaux qui dépendent de l’activité du complexe.
Arrestations et mandats contre les dirigeants de Barrick
Mais la junte ne s’est pas contentée de saisir l’or. Fin novembre, elle a également inculpé et placé en détention quatre employés maliens de Barrick Gold. Puis en décembre, elle est allée encore plus loin en émettant des mandats d’arrêt nationaux contre le PDG sud-africain de la compagnie et le directeur général malien du complexe pour « blanchiment de capitaux ». Des accusations graves qui témoignent de l’extrême tension des relations entre les deux parties.
L’or, une ressource vitale pour le Mali
Au-delà du sort de Barrick Gold, c’est toute l’industrie aurifère malienne qui retient son souffle. Et pour cause : l’or contribue à hauteur d’un quart au budget national et représente trois quarts des recettes d’exportation du pays. Une manne indispensable pour un État classé parmi les plus pauvres de la planète, confronté à la menace jihadiste et à une crise multidimensionnelle sur les plans sécuritaire, politique et économique.
« Ce bras de fer illustre la volonté des autorités maliennes d’obtenir une part plus importante des revenus miniers, dans un contexte de pressions accrues sur les compagnies étrangères. Mais il soulève aussi des questions sur l’attractivité du Mali pour les investisseurs et sur la sécurité juridique des contrats. »
Analyse un expert du secteur minier ouest-africain
Vers une renégociation des contrats miniers ?
Au-delà du cas Barrick, ce conflit pourrait bien être le signe avant-coureur d’une vaste renégociation des contrats miniers au Mali. Avec comme objectif affiché pour la junte d’augmenter les revenus de l’État et de mieux les redistribuer à la population. Mais cette stratégie comporte aussi des risques, notamment celui de fragiliser un peu plus un secteur vital pour l’économie malienne et de faire fuir les investisseurs étrangers.
Alors que le bras de fer entre Bamako et Barrick Gold entre dans une phase décisive, c’est tout l’avenir de l’industrie aurifère malienne qui se joue. Avec en toile de fond les immenses défis d’un pays en quête de stabilité et de développement, pour qui l’or reste à la fois une bénédiction et un fardeau.