En ce samedi 1er juillet 1961, une chaleur étouffante s’abat sur Meudon. Dans sa chambre au premier étage, Louis-Ferdinand Céline, 67 ans, livre son ultime combat. L’auteur du sulfureux Voyage au bout de la nuit, affaibli et souffrant, s’apprête à rendre son dernier souffle. Une agonie à l’image de son œuvre, crue et dérangeante.
Une journée au goût amer
Ce matin-là, Céline se plaint de violents maux de tête et supporte mal la lumière du jour. Il demande à sa femme Lucette de garder les persiennes closes. Refusant toute visite, même celle de son ami le danseur Serge Perrault, l’écrivain semble pressentir sa fin imminente.
Malgré la fraîcheur de la demeure, l’air est irrespirable. Lucette, inquiète, veille au chevet de son mari. Elle lui apporte du thé, unique réconfort dans cette journée au goût amer.
Le chant du cygne
La veille, Céline avait écrit à son éditeur Gaston Gallimard, réclamant un nouveau contrat pour son ultime roman, Rigodon. Un chant du cygne teinté d’humour noir, fidèle à son style si particulier.
Je crois qu’il va être temps de nous lier par un autre contrat pour mon prochain roman Rigodon… dans les termes du précédent, sauf la somme 1 500 NF au lieu de 1 000.
– Louis-Ferdinand Céline à Gaston Gallimard, 30 juin 1961
Une agonie étouffante
En fin d’après-midi, l’état de Céline se dégrade brutalement. Le souffle court, il suffoque. Son bras droit, blessé par une balle allemande en 1914, est paralysé et glacé. Lucette, désemparée, souhaite appeler un médecin. Mais Céline s’y oppose farouchement : « Pas de médecin, pas de piqûre, pas d’hôpital ».
Impuissante, Lucette applique des compresses fraîches sur le front brûlant de son mari. Elle assiste, terrifiée, à ses derniers instants. La poitrine de Céline se soulève par saccades, cherchant désespérément de l’air. Un râle s’échappe de ses lèvres bleuies.
Le bout de la nuit
Vers 18 heures, Louis-Ferdinand Céline s’éteint dans un dernier souffle. À ses côtés, sa femme Lucette et ses chiens fidèles, uniques témoins de cette fin tragique. L’auteur controversé aura traversé le XXe siècle, de la Grande Guerre à l’Épuration, avec sa plume acerbe et son regard désabusé sur l’humanité.
La vérité, c’est une agonie qui n’en finit pas. La vérité de ce monde c’est la mort.
– Louis-Ferdinand Céline
Ainsi s’achève le voyage tumultueux de Louis-Ferdinand Céline, l’écrivain maudit qui aura marqué la littérature française de son empreinte indélébile. Un 1er juillet 1961, à Meudon, il trouve enfin le bout de sa nuit.