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Le Bangladesh réclame une réforme du tribunal spécial des crimes

Le Bangladesh est à un tournant. Le haut-commissaire de l'ONU exhorte à une réforme en profondeur du tribunal spécial enquêtant sur les crimes du régime Hasina pour permettre des procès équitables et tourner la page de décennies d'abus...

Après des années de répression brutale et d’atteintes aux droits de l’homme, le Bangladesh est à la croisée des chemins. Le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, a appelé mercredi à une réforme en profondeur du tribunal spécial chargé d’enquêter sur les crimes présumés de l’ex-Première ministre Sheikh Hasina et de ses proches. Une refonte indispensable, selon lui, pour garantir la tenue de procès équitables et tourner définitivement la page d’un régime autoritaire qui a profondément divisé le pays.

Sheikh Hasina en exil après 12 ans de règne sans partage

Lâchée par son peuple après plus d’une décennie d’une gouvernance de fer, Sheikh Hasina a dû fuir le Bangladesh en août dernier pour trouver refuge en Inde, sous la pression d’un vaste mouvement de protestation. Depuis la chute de celle qui dirigeait le pays d’une main de fer depuis 2009, des dizaines de ses fidèles croupissent en prison. Certains sont visés par une enquête du Tribunal pour les crimes internationaux (TCI) pour leur rôle présumé dans la répression sanglante des manifestations antigouvernementales.

Un tribunal aux pratiques douteuses

Mais ce tribunal spécial, créé en 1972 sous l’égide de Sheikh Hasina, cristallise les critiques. Pour Volker Türk, la mise en place et le fonctionnement du TCI posent question au regard du droit international :

Si vous regardez le TCI, tant pour la manière dont la loi a été créée que pour la manière par laquelle le tribunal a été mis sur pied, il y a des questions de conformité avec les règles du droit international.

Le haut-commissaire de l’ONU, qui s’exprimait devant la presse à Dhaka au terme d’une visite de deux jours, a martelé qu’une “réforme est cruciale” pour permettre la tenue de “procès justes” et un “processus adapté”. Un point de vue largement partagé par les observateurs internationaux, qui dénoncent de longue date les dérives du TCI. Initialement chargé de juger les crimes commis pendant la guerre d’indépendance de 1971, le tribunal a rapidement été instrumentalisé par Sheikh Hasina pour museler ses opposants, avec la condamnation à mort très controversée de plusieurs leaders politiques islamistes.

700 morts dans la répression du mouvement anti-Hasina

Les dernières semaines du règne de Sheikh Hasina ont été marquées par une répression brutale des manifestations réclamant son départ. Selon des sources concordantes, plus de 700 personnes ont perdu la vie, la plupart sous les balles des forces de l’ordre, avant que l’ex-Première ministre ne se résigne à l’exil. Des mandats d’arrêt ont depuis été émis par le TCI contre Sheikh Hasina et une quarantaine de ses proches.

Le Bangladesh à la croisée des chemins

Pour Volker Türk, le Bangladesh est aujourd’hui à un tournant de son histoire. Le gouvernement intérimaire mené par Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix, a une occasion unique d’engager des réformes profondes pour rebâtir des institutions mises à mal par 15 ans d’un régime autoritaire qui a bafoué les droits de l’homme :

Il y a de réelles possibilités, et certainement de grandes attentes, pour des changements fondamentaux pour le meilleur. Cette fois il doit y avoir de la justice. Les réformes doivent être réalisables et durables pour empêcher tout retour des pratiques abusives des dernières décennies.

Saluant les premières mesures prises par le gouvernement de transition pour rompre avec “des décennies de divisions politiques intenses”, le haut-commissaire de l’ONU a appelé les nouvelles autorités à reconstruire un espace public qui a été “progressivement étouffé ces dernières années”. Un chantier titanesque mais indispensable pour permettre au Bangladesh de renouer avec la stabilité et l’état de droit.

Des défis immenses

La tâche s’annonce ardue pour la nouvelle équipe au pouvoir, qui doit composer avec un appareil sécuritaire et judiciaire profondément gangréné par des années de dérive autoritaire. Des pans entiers de l’administration et de l’économie restent également sous l’emprise des réseaux de l’ex-Première ministre déchue. Dans ce contexte, la réforme en profondeur du TCI apparaît comme un test majeur de la volonté et de la capacité des autorités de transition à imprimer leur marque et engager le pays sur la voie de la démocratisation.

En mettant en garde contre les “cycles de revanche”, Volker Türk a invité le gouvernement intérimaire à poser les bases d’une justice impartiale et d’une réconciliation nationale inclusive, seules à même de tourner définitivement la page des années Hasina. Un défi de taille qui implique de ne pas céder aux sirènes de la vengeance et de s’inscrire dans une perspective de long terme pour reconstruire un Bangladesh apaisé et démocratique.

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