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L’avocate du «diable» Dominique Pelicot, seule contre tous au procès des viols

Au procès des viols de Mazan, l'avocate de Dominique Pelicot, l'accusé principal, se retrouve seule face à une cour hostile. Avec courage, elle s'apprête à plaider dans ce dossier hors-norme qui secoue la France depuis des mois. Parviendra-t-elle à convaincre les jurés malgré le poids des accusations ? Un compte-rendu saisissant de notre envoyée spéciale à Avignon.

C’est un procès d’une ampleur exceptionnelle qui se tient actuellement devant la cour criminelle du Vaucluse à Avignon. Dominique Pelicot, accusé d’avoir drogué puis livré sa femme à plus de 50 hommes pendant une décennie, fait face à la justice aux côtés de ses nombreux co-accusés. Au cœur de ce dossier tentaculaire et sordide, son avocate Me Béatrice Zavarro se retrouve bien seule pour assurer sa défense.

Une avocate face à un dossier «diabolique»

Comment défend-on un homme soupçonné d’être «l’un des plus grands prédateurs sexuels» de ces dernières années, selon les mots de sa propre fille? C’est le défi immense qui attend Me Béatrice Zavarro. Cette pénaliste aguerrie s’est préparée de longue date à affronter cette épreuve. Tout au long des trois mois d’audience, elle a fait preuve d’une sérénité et d’un professionnalisme à toute épreuve malgré la pression médiatique et les attaques des autres avocats.

Car la ligne de défense de certains co-accusés consiste à rejeter l’entière responsabilité des faits sur Dominique Pelicot, présenté comme un manipulateur ayant exercé son emprise sur eux. Une thèse que son avocate s’apprête à combattre avec force, en tentant de remettre en cause le scénario à charge de l’accusation. Sa plaidoirie, très attendue, devrait durer plusieurs heures.

Des faits «innommables» et des zones d’ombre

Au cœur du dossier, le calvaire vécu par Gisèle Pelicot. Pendant dix ans, entre 2004 et 2014, cette mère de famille aurait été droguée par son mari avant d’être livrée à des inconnus contactés via des petites annonces. Des viols à répétition, filmés, dans un climat de terreur. Un scénario digne d’un film d’horreur, qualifié d’«innommable» par les avocats des parties civiles.

Mais pour la défense de Dominique Pelicot, de nombreuses zones d’ombre subsistent. Pourquoi son épouse n’a-t-elle pas tenté de fuir ou de demander de l’aide plus tôt? Comment expliquer que des proches n’aient rien remarqué pendant toutes ces années? Autant de questions sur lesquelles Me Zavarro compte s’appuyer pour instiller le doute dans l’esprit des jurés.

Un procès sous haute tension

Dans ce procès fleuve, les nerfs de tous les acteurs sont mis à rude épreuve. Avec 51 accusés, une centaine de victimes et des centaines de milliers de pages au dossier, l’affaire de Mazan est un défi logistique et humain. Les auditions des parties civiles, souvent dans les larmes, et la révélation de détails sordides rendent l’atmosphère particulièrement lourde.

Toutes les familles vivent des moments très durs. Elles se sentent salie, humiliées, mais tiennent à être présentes, à faire front.

Me Audrey Bauer, avocate de parties civiles

Dans ce contexte, la tâche de la défense s’annonce particulièrement ardue. Me Zavarro devra, sans nier la souffrance des victimes, tenter de replacer les agissements de son client dans leur contexte, d’apporter un autre regard. Un exercice d’équilibriste pour cette avocate qui reconnaît se retrouver bien souvent «seule contre tous» dans ce type de dossiers.

Les enjeux d’un procès hors-norme

Au-delà du sort judiciaire de Dominique Pelicot, pour lequel le parquet a requis 20 ans de réclusion, ce procès cristallise de nombreux enjeux de société. C’est une affaire hors-norme par son ampleur, le nombre de personnes impliquées et la durée des faits reprochés. Elle met en lumière les mécanismes de la perversion, de l’emprise au sein d’un couple, la question du consentement.

C’est aussi un procès emblématique de la libération de la parole des victimes de violences sexuelles. Grâce au courage de Gisèle Pelicot qui a fini par briser le silence, une véritable «omerta» a été levée. Plusieurs dizaines d’autres victimes ont ensuite osé dénoncer les viols subis, permettant de mettre au jour un vaste réseau.

Ce procès est historique, c’est le dossier d’une vie. Au-delà de son issue, il faut espérer qu’il fera date et encouragera d’autres victimes à parler.

Me Stéphane Perrin, avocat de parties civiles

Pour Me Zavarro et son client, l’enjeu est aussi de rappeler le droit de chacun à une défense, aussi impopulaire soit-elle. Être «l’avocat du diable», c’est accepter de défendre l’indéfendable aux yeux de la société. Mais c’est aussi faire vivre un principe fondamental de notre droit: la présomption d’innocence. Une gageure dans un dossier aussi sensible et médiatique.

Les plaidoiries de la défense devraient se poursuivre durant les deux prochaines semaines. Le verdict est attendu à la fin du mois de juin dans ce procès sans précédent qui restera dans les annales judiciaires. Il dira si Me Zavarro aura réussi son pari: instiller le doute malgré un dossier à charge accablant. Un défi immense pour celle qui se retrouve bien seule à porter la voix de la défense dans ce procès qui glace le sang.

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