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L’avenir politique de la Syrie : Les défis d’une transition démocratique

Après la chute d'Assad, le nouveau pouvoir syrien d'Ahmad al-Chareh fait face à de nombreux défis pour bâtir une Syrie démocratique et inclusive. Entre organisation d'élections, réécriture de la Constitution et redéfinition des relations extérieures, la transition s'annonce longue et complexe. Quelles sont les principales étapes et priorités ? Éléments de réponse.

Trois semaines après la chute du président Bachar al-Assad, le nouveau dirigeant de la Syrie Ahmad al-Chareh a accordé une interview exclusive à la chaîne al-Arabiya. L’occasion pour lui d’évoquer les défis de la transition démocratique qui s’annonce, à commencer par l’organisation d’élections et la réécriture de la Constitution. Un processus long et complexe qui pourrait prendre jusqu’à quatre ans selon ses estimations.

Vers un « dialogue national inclusif » en Syrie

Pour Ahmad al-Chareh, dont le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS) s’est emparé du pouvoir le 8 décembre, l’heure est à la réconciliation nationale. Il a ainsi annoncé la tenue prochaine d’une « conférence du dialogue national » qui sera « inclusive et représentera l’ensemble des Syriens ». Un rendez-vous crucial qui devrait voir la dissolution de HTS afin d’ouvrir une nouvelle page.

En attendant, le nouveau pouvoir a suspendu pour trois mois la Constitution et le Parlement, le temps de définir les contours du futur système politique syrien. Une nécessaire clarification alors que la guerre déclenchée en 2011 par la répression du régime Assad a morcelé et ravagé le pays, faisant plus d’un demi-million de morts et des millions de déplacés.

Levée des sanctions et relations avec l’Iran et la Russie

Sur le plan international, Ahmad al-Chareh a plaidé pour une levée des sanctions imposées à la Syrie, arguant qu’elles avaient été mises en place « en raison des crimes commis par le régime » désormais déchu. Une normalisation des relations extérieures qui passera aussi par une redéfinition des liens avec les anciens alliés de Damas comme l’Iran et la Russie.

« La Syrie ne peut pas continuer sans des relations avec un grand pays au poids régional comme l’Iran mais il faut que celles-ci se fassent sur la base du respect de la souveraineté des deux pays et sans ingérences »

Ahmad al-Chareh, nouveau dirigeant syrien

Concernant Moscou, le nouveau leader syrien a souligné l’importance « stratégique » des liens, tout en précisant ne pas vouloir que « la Russie quitte la Syrie de la manière dont certains le souhaiteraient ». Un équilibre subtil à trouver donc, pour ne pas s’aliéner ces puissances tout en affirmant la souveraineté retrouvée de Damas.

L’épineuse question de l’intégration des forces kurdes

Autre défi de taille : l’intégration des Forces démocratiques syriennes (FDS) à dominante kurde dans la future armée nationale. Ahmad al-Chareh s’est dit prêt à négocier avec elles sur la base du principe que « les armes doivent être uniquement aux mains de l’État ». Mais un accord sera difficile tant les Kurdes ont gagné en autonomie ces dernières années dans le nord-est du pays avec le soutien des États-Unis.

Interrogations sur la place des femmes et des minorités

Malgré les promesses du nouveau pouvoir de respecter les droits des femmes et des minorités ethniques et religieuses, des interrogations demeurent. Des propos controversés d’une responsable appelant les Syriennes à se cantonner à leur « rôle éducatif » ont ainsi suscité un tollé, forçant le gouvernement à réaffirmer son attachement à l’égalité des sexes. Mais il faudra plus que des mots pour convaincre une société traumatisée par des années de conflit et de tensions communautaires.

Un chemin semé d’embûches vers la démocratie

Au final, si la chute de Bachar al-Assad a ouvert la voie à un espoir de changement démocratique en Syrie, le chemin s’annonce encore long et semé d’embûches. Entre jeux de pouvoir internes, ingérences étrangères et profondes divisions, bâtir un système politique stable, légitime et inclusif relèvera du défi. Seule certitude, la reconstruction de ce pays meurtri nécessitera du temps, des compromis et une réelle volonté de tourner la page des années noires.

D’après un diplomate occidental proche du dossier interrogé par notre rédaction, « la Syrie a une opportunité historique de se réinventer comme nation unie et démocratique, à condition de se défaire des réflexes autoritaires et de privilégier le dialogue à tous les niveaux de la société ».

Un vœu partagé par de nombreux Syriens, las d’une décennie de violence et d’instabilité chronique. Mais il faudra plus que des souhaits pour y parvenir tant les obstacles restent nombreux. L’avenir nous dira si les nouveaux dirigeants sauront être à la hauteur de ce défi titanesque.

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