Après un quart de siècle de gestation, l’adoption aux forceps du traité de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur reste plus que jamais incertaine. Malgré les pressions à l’approche d’échéances internationales majeures, cet accord commercial controversé se heurte toujours à une farouche opposition française.
Un traité qui divise depuis ses débuts
Initié en 1999, le projet d’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur, qui réunit le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay, le Paraguay et depuis peu la Bolivie, vise à supprimer la plupart des droits de douane entre les deux blocs. Créant ainsi un marché de plus de 700 millions de consommateurs, il permettrait aux pays sud-américains d’exporter massivement viande, sucre, soja et autres produits agricoles vers l’Europe. En contrepartie, l’UE écoulerait ses voitures, machines et produits pharmaceutiques, d’où le surnom d’accord “viande contre voitures”.
Mais depuis un premier accord politique en 2019, dont les détails sont restés secrets, plusieurs pays dont la France bloquent son adoption définitive. Ils dénoncent les risques pour l’agriculture européenne et l’environnement.
L’Europe à la recherche de nouveaux marchés
Pour l’UE, l’enjeu est d’abord économique avec un accès à un marché de 270 millions de consommateurs. Mais au-delà, il a pris une dimension géopolitique majeure face au rapprochement entre le Brésil et la Chine, selon les experts. La transition climatique pousse aussi à se rapprocher de cette région riche en matières premières stratégiques comme le lithium. L’Allemagne et l’Espagne font donc pression pour son adoption, espérant une percée lors des prochains sommets internationaux.
La France vent debout contre les risques
En France, les opposants craignent un tsunami de viande sud-américaine ne respectant pas les normes sanitaires et environnementales de l’UE. Ils pointent l’impossibilité de tracer chaque carcasse malgré les quotas prévus. Le gouvernement exige des dispositions contraignantes sur le respect de l’accord de Paris sur le climat. Le président Macron a redit qu’en l’état, ce traité était inacceptable.
Selon le périmètre de l’accord final, il serait soumis soit au niveau du Conseil de l’UE à la majorité qualifiée et du Parlement à la majorité simple, soit également dans les Etats membres par un vote des assemblées, à l’unanimité.
Elvire Fabry, chercheuse à l’institut Jacques Delors
Un rapport de force délicat pour Paris
La position française est fragilisée depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin. Paris aurait du mal à s’opposer seul en cas de vote à la majorité. Une adoption du traité provoquerait la colère des agriculteurs français, déjà prêts à amplifier leurs protestations. Les négociations sont donc sur le fil du rasoir, entre la volonté de l’UE de renforcer ses liens commerciaux et les inquiétudes légitimes sur les conséquences d’un tel accord.