La Nouvelle-Calédonie traverse une crise existentielle. Après trois référendums d’autodétermination en 2018, 2020 et 2021, qui ont vu la victoire du non à l’indépendance, ce territoire français du Pacifique sud est plus que jamais tiraillé entre son attachement à la France et ses velléités d’émancipation. Loin de régler la question, ces scrutins successifs semblent au contraire avoir exacerbé les fractures de la société calédonienne.
Une économie en berne, des violences à répétition
Durement éprouvée par la crise sanitaire et la chute des cours du nickel, l’économie calédonienne est en grande souffrance. Le chômage, particulièrement celui des jeunes, atteint des niveaux records. Cette situation alimente les tensions entre communautés, qui s’affrontent régulièrement lors d’émeutes comme en décembre 2021 à Nouméa. Les affrontements entre jeunes Kanaks indépendantistes et forces de l’ordre ont fait plusieurs blessés.
Malgré les efforts de l’État pour maintenir la paix civile, via notamment les accords de Matignon (1988) et de Nouméa (1998), la Nouvelle-Calédonie peine à trouver un consensus sur son destin. Le clivage entre partisans et opposants à l’indépendance semble plus marqué que jamais, comme l’illustrent ces propos d’un membre du FLNKS (indépendantiste) :
On ne lâchera rien. L’indépendance, c’est une question de dignité pour le peuple kanak. Si la France continue de faire la sourde oreille, il faudra employer d’autres moyens.
– Militant du FLNKS
L’épineuse question de l’exode des Européens
Signe inquiétant, de plus en plus de Calédoniens d’origine européenne quittent le territoire, par peur des violences ou par manque de perspectives. Cet exode, encore difficilement quantifiable, pourrait concerner jusqu’à 10 000 personnes selon certaines estimations, sur une population totale de 270 000 habitants.
Si elle devait se confirmer, cette hémorragie démographique ne manquerait pas de déséquilibrer le fragile équilibre communautaire et de donner, mécaniquement, la majorité aux indépendantistes lors de futurs scrutins. Une perspective qui inquiète grandement les anti-indépendantistes, comme en témoigne cet entrepreneur :
Je suis calédonien, mes enfants sont nés ici. Mais l’insécurité et l’incertitude permanentes nous poussent à partir, la mort dans l’âme. Si rien ne change, il n’y aura bientôt plus d’avenir pour nous.
– Chef d’entreprise calédonien
Sortir du statu quo par le dialogue ?
Pour sortir de l’ornière et redonner un horizon à la Nouvelle-Calédonie, de nombreux observateurs appellent à revoir en profondeur le processus de décolonisation enclenché par les accords de Nouméa. L’idée serait de construire un nouveau pacte, fondé sur une citoyenneté calédonienne ouverte et le respect de toutes les communautés.
Reste à savoir si ce scénario est réaliste, au regard des fractures actuelles. Entre lassitude des référendums à répétition, tentation du repli identitaire et spectre de la violence, il semble urgent d’ouvrir un vrai dialogue politique, au-delà des postures et des intérêts particuliers. C’est sans doute à ce prix que la Nouvelle-Calédonie pourra forger sereinement son destin.
Car quoiqu’il advienne, une chose est sûre : l’avenir de ce territoire et de ses habitants mérite infiniment mieux que le statu quo et l’incertitude permanente. Il est temps pour la France et les Calédoniens de faire preuve d’intelligence, d’écoute et d’empathie pour dépasser les blessures du passé. Et écrire ainsi une nouvelle page d’une longue histoire commune.