L’Europe est sur le point de franchir un nouveau cap dans son intégration. Après des années d’attente, la Roumanie et la Bulgarie sont enfin sur le point de rejoindre pleinement l’espace Schengen, cette zone de libre circulation qui permet à plus de 400 millions de citoyens européens de voyager sans contrôle aux frontières intérieures. Et c’est l’Autriche, longtemps réticente, qui leur ouvre aujourd’hui la voie.
L’Autriche lève son veto, la voie est libre pour Bucarest et Sofia
Jusqu’à présent, l’Autriche s’opposait à l’entrée complète de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’espace Schengen, arguant d’un nombre trop important d’entrées clandestines sur son territoire en provenance de ces pays. Mais vendredi, le ministre autrichien de l’Intérieur Gerhard Karner a annoncé un revirement de position. Selon lui, la protection des frontières extérieures a été renforcée ces deux dernières années, ramenant l’immigration illégale en Autriche “proche de zéro”.
Cette déclaration ouvre la voie à un vote le 12 décembre prochain lors de la réunion des ministres européens de l’Intérieur. Si celui-ci est positif, la Roumanie et la Bulgarie pourraient intégrer pleinement l’espace Schengen début 2025, après une longue période de transition.
Un accord en plusieurs étapes
L’adhésion de Bucarest et Sofia à Schengen se fera par étapes. Dans un premier temps, en mars dernier, l’Autriche avait accepté une adhésion partielle, limitée aux aéroports et aux ports maritimes. Une feuille de route avait alors été établie en vue d’une potentielle expansion aux frontières terrestres.
L’accord publié vendredi prévoit des contrôles temporaires “pour une période initiale de six mois, afin de minimiser le changement potentiel de routes migratoires qui pourrait résulter” de cet élargissement de Schengen. Un contingent commun pour la protection de la frontière entre la Bulgarie et la Turquie a également été décidé.
Bucarest et Sofia saluent une avancée historique
Côté roumain et bulgare, la satisfaction est de mise. Le Premier ministre roumain Marcel Ciolacu s’est dit “confiant dans le fait que l’étape finale sera bientôt franchie”. De son côté, le ministre bulgare de l’Intérieur Atanas Ilkov a remercié l’Autriche pour sa confiance, assurant que son pays serait “à la hauteur”.
À Bruxelles aussi, on se félicite de cette avancée. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a salué “l’issue positive des discussions informelles”, tout en renvoyant à la décision finale du 12 décembre.
Schengen, un espace en constante évolution
Créé en 1985, l’espace Schengen n’a cessé de s’élargir au fil des années. Il comprend aujourd’hui 26 pays, dont 22 États membres de l’Union européenne. Seuls la Bulgarie, la Roumanie, Chypre et la Croatie n’en font pas encore pleinement partie.
Cet espace de libre circulation est une réalisation majeure de la construction européenne. Il permet à plus de 400 millions de personnes de traverser les frontières sans contrôle, que ce soit pour travailler, étudier, faire du tourisme ou rendre visite à leurs proches.
Des défis à relever pour une Europe sans frontières
Mais Schengen fait aussi face à des défis, notamment en matière de sécurité et de gestion des flux migratoires. Ces dernières années, plusieurs pays ont temporairement rétabli des contrôles à leurs frontières en réponse à la crise des réfugiés ou à la menace terroriste.
L’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à Schengen est donc un test pour la solidité et la pérennité de cet espace. Elle impliquera un renforcement de la coopération entre les pays membres, notamment en matière de partage d’informations et de protection des frontières extérieures.
Vers une Europe plus intégrée ?
Au-delà de Schengen, l’adhésion de Bucarest et Sofia pose la question de l’intégration européenne dans son ensemble. Ces deux pays, entrés dans l’Union européenne en 2007, ont parfois été pointés du doigt pour des manquements en matière d’état de droit ou de lutte contre la corruption.
Leur intégration complète à Schengen serait donc un signal fort, montrant que les efforts entrepris ces dernières années portent leurs fruits et que l’Europe est capable de surmonter ses divisions pour avancer ensemble.
Un nouveau chapitre pour l’Europe
L’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans Schengen marquerait donc un nouveau chapitre dans l’histoire de l’intégration européenne. Elle redessinerait la géographie de la libre circulation sur le continent, en l’étendant à l’est jusqu’aux rives de la mer Noire.
Mais elle serait surtout porteuse d’un message politique fort : celui d’une Europe unie et solidaire, capable de surmonter les crises et les défis pour construire un avenir commun. À l’heure où l’Union européenne est souvent décriée, taxée d’immobilisme ou de bureaucratie, cette adhésion serait une bouffée d’air frais et un rappel de ce qui fait la force et l’originalité du projet européen.
Alors que les regards sont tournés vers le 12 décembre, date à laquelle les ministres européens de l’Intérieur se prononceront sur cette question, une chose est sûre : l’Europe est en mouvement et continue, pas après pas, à écrire son histoire. Et la Roumanie et la Bulgarie s’apprêtent à y ajouter un nouveau chapitre.