Au cœur des collines du nord de la Birmanie, une route est devenue le symbole de la révolte contre la junte militaire au pouvoir. L’autoroute nationale 3, qui serpente sur 480 kilomètres entre Mandalay et la frontière chinoise, a été le théâtre d’une offensive éclair des rebelles il y a un an. Une série de victoires inattendues qui a changé la donne dans le pays, plongé dans la guerre civile depuis le coup d’état de 2021.
Un axe stratégique aux mains des rebelles
Le contrôle de cette autoroute revêt une importance capitale pour les deux camps. Pour la junte, c’est une source de taxes lucratives et une voie d’approvisionnement essentielle vers la Chine, son principal allié. Pour les rebelles des différents groupes ethniques et les partisans du gouvernement démocratique renversé, c’est un moyen de pression et une base arrière pour lancer des attaques contre les forces du régime.
Selon des informations recueillies sur place, reprendre cette route n’a pas été une mince affaire. Les combats ont été intenses et ont laissé des traces : bâtiments détruits, impacts de balles, check-points abandonnés. Mais les rebelles ont tenu bon et ont réussi à s’emparer de villes clés comme Kutkai, Lashio et même une partie de Muse, à la frontière chinoise.
Muse, la porte vers la Chine
Cette localité est un point névralgique. C’est par là que transite une grande partie du commerce entre les deux pays, légal ou non. Médicaments, marchandises diverses, tout se négocie à Muse. Depuis l’offensive rebelle, la situation est confuse. La junte contrôle encore une partie de la ville mais les groupes armés font pression. Les habitants doivent slalomer entre les checkpoints et marchander leur passage.
On s’en sort si on peut négocier quand on rencontre des soldats des groupes rebelles sur les routes et qu’ils nous demandent de l’argent.
– Un chauffeur routier de Muse
De Kutkai à Lashio, les stigmates des combats
Plus au sud, la ville de Kutkai porte les marques de mois d’affrontements. Connue comme un centre de production de drogue, elle est aujourd’hui en partie désertée. Le marché central, détruit par une frappe aérienne de l’armée, n’est plus que ruines. Mais des vendeurs tentent de maintenir une activité sur des étals de fortune.
À Lashio, étape majeure à mi-parcours, les rebelles savourent leur plus grande victoire. Cette ville de 150 000 habitants était un verrou stratégique pour la junte. Son contrôle ouvre la voie vers le centre du pays. Les drapeaux rouges de l’Armée de l’alliance démocratique nationale du Myanmar flottent désormais sur les bâtiments officiels, malgré les dégâts des combats.
Pyin Oo Lwin, dernière étape avant Mandalay
Aux portes des plaines centrales, cette ancienne villégiature britannique reste un bastion de l’armée, qui y forme ses officiers d’élite. Mais même ici, à quelques heures de route de Mandalay, les échos de la guerre se font entendre. Les Forces de défense du peuple, qui ont épaulé les rebelles dans leur offensive, rêvent maintenant de s’emparer de la deuxième ville du pays.
Un an après le début de cette offensive audacieuse le long de l’autoroute 3, l’issue de la bataille pour le contrôle de cet axe vital est encore incertaine. Mais une chose est sûre : la détermination des rebelles ne faiblit pas et le chemin vers Mandalay n’a jamais semblé aussi proche. La junte parviendra-t-elle à garder la main sur cette route de tous les enjeux ? Les prochains mois seront décisifs.
