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L’autorité suisse sanctionne Madrigall pour abus de position dominante

Coup de tonnerre dans l'édition : le géant français Madrigall épinglé pour abus de position dominante en Suisse ! La Commission de la concurrence accuse le groupe de pratiquer des tarifs abusifs envers la chaîne Payot. Une affaire explosive qui pourrait faire jurisprudence dans un secteur en pleine mutation...

Le monde feutré de l’édition vient de connaître un séisme dont les répliques pourraient se faire sentir bien au-delà des frontières helvétiques. Ce jeudi, la Commission de la concurrence suisse (Comco) a en effet jugé que le groupe français Madrigall, propriétaire entre autres des prestigieuses maisons Gallimard et Flammarion, abusait de sa position dominante au détriment de la chaîne de librairies Payot. Une décision rare et lourde de conséquences dans un secteur confronté à de profondes mutations.

Madrigall accusé de pratiques “abusives”

Dans un communiqué lapidaire, le gendarme de la concurrence helvète estime que les tarifs imposés par Madrigall à Payot sont “abusifs” et ordonne au mastodonte de l’édition francophone de permettre à l’enseigne « de s’approvisionner directement aux conditions usuelles en France. » En clair, la Comco accuse le groupe dirigé par Antoine Gallimard de profiter de sa position de force pour imposer des sur-majorations à son client suisse, contraint de passer par un circuit de distribution complexe et coûteux.

Pour Payot, qui exploite 13 librairies en Suisse romande, impossible en effet de contourner ce système en se fournissant directement auprès des éditeurs français. « Madrigall exige de Payot des prix bien plus élevés que ceux habituels en France », souligne la Comco, relevant que la chaîne « ne dispose pas de sources d’approvisionnement alternatives suffisantes et raisonnables. » Autrement dit, le libraire se retrouve pieds et poings liés, victime de son succès et de la forte demande pour les ouvrages du groupe Madrigall.

Un combat de David contre Goliath

C’est d’ailleurs ce qu’a tenté de faire valoir Pascal Vandenberghe, le directeur général de Payot, lorsqu’il a saisi la Comco en 2022. Lui qui ferraille depuis des années avec les éditeurs français pour obtenir de meilleures conditions tarifaires a profité d’une récente évolution du droit suisse de la concurrence pour attaquer frontalement Madrigall. Une décision courageuse vu le poids du groupe – près d’un quart du marché du livre en France – mais aussi risquée, Payot réalisant une part significative de son chiffre d’affaires avec les titres stars de Gallimard, Flammarion et autres filiales.

C’est le système que je dénonce, et pas Madrigall en tant que tel. Il me fallait une porte d’entrée.

Pascal Vandenberghe, directeur général des librairies Payot

Un pari aujourd’hui gagnant, même si la décision de la Comco peut encore faire l’objet d’un recours. Contacté, le groupe Madrigall n’a pas souhaité commenter l’affaire. Mais en coulisses, on s’inquiète des répercussions de ce qui est vécu comme une ingérence dans la sacro-sainte politique commerciale des éditeurs. Car si Payot a obtenu gain de cause, rien n’empêchera d’autres libraires, en Suisse ou ailleurs, de réclamer eux aussi un alignement sur les tarifs français.

L’épineuse question du prix du livre

Au-delà de la situation spécifique du marché helvétique, cette affaire relance le débat sur le délicat équilibre du secteur du livre, partagé entre régulation et libéralisme. En France, le prix unique a certes permis de préserver un réseau dense de librairies indépendantes, mais il est aujourd’hui fragilisé par la concurrence d’Amazon et autres mastodontes du web. Chez nos voisins qui n’ont pas fait ce choix, à l’image de la Suisse ou de la Belgique, la situation est encore plus tendue, avec une poignée d’acteurs dominants qui pèsent sur toute la chaîne du livre.

Face à cette concentration, les autorités n’ont eu jusqu’ici que peu de prises. La décision de la Comco marque-t-elle un tournant ? Difficile à dire tant les spécificités nationales et les rapports de force locaux diffèrent. Une certitude cependant : elle place les projecteurs sur les dérives potentielles d’un marché de plus en plus mondialisé et financiarisé, loin de l’image d’Épinal d’un secteur gouverné par la passion des lettres et la diversité éditoriale. Un coup de semonce qui pourrait inciter d’autres acteurs à sortir du bois.

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