Le groupe d’édition français Madrigall, propriétaire de prestigieuses maisons comme Gallimard et Flammarion, se retrouve dans la tourmente en Suisse. Jeudi dernier, la Commission de la concurrence helvétique (Comco) a publiquement accusé le géant de l’édition d’abuser de sa position dominante face à la chaîne de librairies romande Payot.
Des prix jugés “abusifs” par la Comco
Au coeur du litige : les tarifs pratiqués par Madrigall envers les librairies suisses. Selon la Comco, le groupe français imposerait des prix “abusifs” à Payot, bien plus élevés que ceux en vigueur pour les libraires en France. Une situation rendue possible par le système de distribution complexe liant les librairies helvètes, les empêchant de s’approvisionner directement auprès des éditeurs français.
Pascal Vanderberghe, directeur général de Payot, avait déposé une plainte auprès de la Comco début 2022, dénonçant ce qu’il estime être une entrave à la concurrence. Avec ses 13 points de vente, l’enseigne romande représente un acteur majeur du marché du livre en Suisse francophone, mais se dit “dépendante” de Madrigall, faute d’alternatives viables pour garnir ses rayons.
La Comco impose de nouvelles conditions à Madrigall
Face à cette situation, la Commission de la concurrence a tranché : elle “impose à Madrigall de permettre à Payot de s’approvisionner directement aux conditions usuelles en France”. Une décision forte, qui pourrait rééquilibrer les rapports de force sur le marché du livre en Suisse romande.
Néanmoins, rien n’est encore définitif. Madrigall dispose en effet de la possibilité de contester ce jugement devant le Tribunal administratif fédéral. Contacté par la presse, le groupe français n’a pas souhaité commenter l’affaire.
Un système de distribution remis en cause
Au-delà du cas Payot, c’est tout le système de distribution du livre en Suisse qui se retrouve questionné. Comme l’expliquait Pascal Vanderberghe, sa plainte ne visait pas spécifiquement Madrigall, mais bien un modèle qu’il juge défavorable aux libraires helvètes.
C’est le système que je dénonce, et pas Madrigall en tant que tel. Il me fallait une porte d’entrée.
Pascal Vanderberghe, directeur général de Payot
En cause : les sur-majorations imposées aux libraires suisses, qui peinent à rester compétitifs face à la vente en ligne et au tourisme d’achat. De l’autre côté de la frontière, les livres restent souvent moins chers, incitant les lecteurs à délaisser leurs librairies de proximité.
Vers une refonte du marché du livre en Suisse ?
Pour tenter d’enrayer cette tendance, les professionnels du secteur appellent depuis plusieurs années à une refonte des règles encadrant le marché du livre. Des négociations avaient été entamées avec les grands groupes d’édition français, sans aboutir jusqu’à présent.
Avec la décision de la Comco, Pascal Vanderberghe espère “faire bouger les lignes”. Reste à savoir si cette première victoire ouvrira la voie à une réforme plus globale, permettant aux librairies indépendantes de se maintenir face aux mastodontes de la vente en ligne. L’avenir du livre en Suisse en dépend.