Imaginez un pays béni par le soleil, leader mondial des énergies renouvelables potentielles, mais qui continue malgré tout de creuser le trou climatique planétaire. Voilà le paradoxe australien qui vient d’être mis en lumière par un rapport gouvernemental sans concession. Les chiffres parlent d’eux-mêmes et ils sont glaçants.
Un Objectif Ambitieux… Trop Ambitieux ?
En septembre dernier, le gouvernement australien annonçait fièrement vouloir réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 62 à 70 % d’ici 2035 par rapport aux niveaux de 2005. Un engagement salué comme l’un des plus ambitieux parmi les grandes économies développées. Pourtant, à peine deux mois plus tard, la réalité rattrape les discours.
Avec les politiques actuellement en place, la baisse prévue n’atteindrait que 48 %. Un écart colossal qui place le pays très loin de la trajectoire nécessaire. Le ministre du Changement climatique et de l’Énergie a beau répéter que l’objectif reste « réalisable », les chiffres officiels disent exactement le contraire.
Que Dit Précisément le Rapport Officiel ?
Publiées jeudi, les projections gouvernementales ne laissent place à aucune ambiguïté. Sans mesures supplémentaires fortes et immédiates, l’Australie ne parviendra pas à tenir ses promesses. Le document souligne même que les politiques mises en œuvre ces trois dernières années, bien qu’elles aient permis des progrès, restent largement insuffisantes.
« Bien que l’objectif de 2035 soit ambitieux et réalisable, il n’est pas encore atteint. »
Chris Bowen, ministre du Changement climatique et de l’Énergie
Cette phrase, prononcée devant le Parlement, résume à elle seule le grand écart entre les annonces et la réalité du terrain. Le ministre promet que de nouvelles politiques viendront combler le fossé, mais pour l’instant, elles n’apparaissent même pas dans les projections.
Un « Plan Zéro Net » Encore Invisible dans les Chiffres
Parmi les mesures censées tout changer figure le récent « plan zéro net ». Investissements dans les carburants bas carbone, production d’énergie plus propre… Sur le papier, tout semble parfait. Sauf que ce plan n’a pas encore été intégré dans les calculs officiels. Résultat : il n’existe pour l’instant que dans les discours.
Cette absence est d’autant plus problématique que le temps presse. L’Autorité sur le changement climatique, organisme indépendant, parle d’un « tournant critique ». Pour rester dans les clous, le rythme de réduction des émissions devra doubler avant 2030 et tripler dans la décennie suivante. Autant dire une accélération brutale.
Le rythme actuel doit être multiplié par :
• x2 dans les cinq années précédant 2030
• x3 entre 2030 et 2035
Un Géant des Fossiles Qui Ne Veut Pas Lâcher
Comment en est-on arrivé là ? La réponse tient en grande partie à la place occupée par l’Australie dans l’économie mondiale des énergies fossiles. Le pays reste l’un des plus gros exportateurs de charbon et de gaz naturel liquéfié de la planète. Des milliards de dollars de subventions continuent d’alimenter ces secteurs.
Oui, l’Australie a massivement investi dans le solaire et l’éolien. Oui, elle ambitionne de devenir une « superpuissance des énergies renouvelables ». Mais en parallèle, elle continue de creuser et d’exporter du charbon comme si le réchauffement climatique n’existait pas. Cette double parole mine toute crédibilité internationale.
Le gouvernement met en avant les aides à l’achat de véhicules électriques et les projets d’hydrogène vert. Des initiatives louables, mais qui pèsent encore trop peu face à l’inertie du système fossile. Le charbon et le gaz représentent toujours une part écrasante des revenus d’exportation.
Des Conséquences Déjà Visibles pour des Millions d’Australiens
Le plus inquiétant reste peut-être ce que révèle l’évaluation nationale des risques climatiques publiée en septembre. Plus d’1,5 million d’Australiens vivent dans des zones qui seront touchées par la montée des eaux d’ici 2050. Et ce n’est qu’un aspect parmi des dizaines d’autres menaces.
Incendies plus fréquents et plus intenses, vagues de chaleur extrême, destruction des récifs coralliens, sécheresses agricoles… Les effets « en cascade, combinés et simultanés » sont déjà là. Le rapport de septembre parlait même d’une menace directe sur les conditions de vie de plus d’un million de personnes. Un chiffre qui donne le vertige.
« La hausse des températures aura des effets en cascade, combinés et simultanés sur la vie des habitants. »
Évaluation nationale des risques climatiques, septembre
Face à cela, maintenir un modèle économique basé sur l’exportation massive de combustibles fossiles apparaît de plus en plus absurde. Pourtant, les intérêts économiques continuent souvent de primer sur l’urgence climatique.
Et Maintenant ?
Le gouvernement assure que tout va changer. Que les nouvelles politiques, une fois mises en œuvre, permettront de rattraper le retard. Que les investissements dans les renouvelables finiront par payer. Peut-être. Mais pour l’instant, les faits sont têtus.
L’écart entre les objectifs affichés et la trajectoire réelle n’a jamais été aussi criant. Et chaque année perdue rend la tâche plus difficile. L’Australie se trouve à la croisée des chemins : continuer à profiter des fossiles tant qu’il en reste, ou prendre enfin le virage radical que la science exige.
Une chose est sûre : le monde regarde. Et le temps des belles promesses sans lendemain est révolu.
(Article rédigé à partir des données officielles publiées jeudi par le gouvernement australien et des rapports associés – sources publiques)









