Imaginez un monde où consulter son médecin deviendrait un luxe. C’est pourtant le spectre qui plane sur notre système de santé, en proie à une crise d’attractivité sans précédent. Pour enrayer cette spirale, l’Assurance maladie a négocié une revalorisation des tarifs avec les syndicats médicaux. Un accord crucial, qui suscite autant d’espoirs que d’interrogations.
Un soutien syndical majoritaire, malgré des réserves
Après de longues tractations, la nouvelle convention tarifaire a finalement recueilli l’adhésion d’organisations pesant plus de 30% dans chaque collège (généralistes et spécialistes). Un seuil déterminant pour son entrée en vigueur, malgré l’opposition de certains syndicats comme l’UFML qui dénonce une « caporalisation des médecins libéraux ».
Car si le texte acte des revalorisations significatives, comme le passage de la consultation de base à 30€ chez le généraliste, il pose aussi des objectifs contraignants en termes d’accès aux soins et de pertinence des prescriptions. Un point d’achoppement pour une partie de la profession, attachée à son indépendance.
Un accord vital pour l’avenir de la médecine libérale
Mais pour beaucoup, cet accord représente un moindre mal face à l’urgence de la situation. Avec des revenus en berne et des charges croissantes, l’exercice libéral peine à attirer les jeunes praticiens. Résultat : des territoires entiers menacés de déserts médicaux, et des délais d’attente qui s’allongent dangereusement.
Il ne faut pas oublier que le médecin libéral ne touche pas un salaire, mais des honoraires. Après avoir payé ses charges, il ne reste qu’environ 10,50€ par consultation de 30€, avant impôts !
Témoignage d’un généraliste sur les réseaux sociaux
En actant des hausses ciblées, notamment pour les spécialités les moins attractives (pédiatrie, psychiatrie…), la convention espère créer un « choc d’attractivité » salutaire. Même si certains doutent que cela suffise à inverser la tendance.
Des enjeux cruciaux pour notre système de santé
Au-delà des intérêts catégoriels, cet accord soulève des questions de fond pour l’avenir de notre modèle de santé solidaire. Avec un impact budgétaire estimé à 1,6 milliard d’euros par an, il interroge sur notre capacité à concilier juste rémunération des soignants et maîtrise des dépenses.
Certains redoutent aussi un renforcement des inégalités, avec des dépassements d’honoraires qui pourraient se multiplier pour compenser la hausse du ticket modérateur. Sans parler des dérives possibles vers une médecine à deux vitesses, entre patients « rentables » et « chronophages ».
Pour autant, ne rien faire n’était plus une option. Face au risque d’effondrement de la médecine de ville, pourtant plébiscitée par les Français, il était urgent d’agir. Reste à savoir si cette revalorisation sera suffisante, et si elle s’accompagnera de vraies réformes de structure pour redonner du sens au métier.
Car au-delà du seul enjeu tarifaire, c’est bien le malaise d’une profession qui s’exprime. Un malaise fait de lourdeurs administratives, de perte d’autonomie, de judiciarisation des pratiques… Et de perte de sens, parfois, face à des logiques comptables.
Des maux profonds que seule une grande concertation sur l’avenir de notre système pourra résoudre. En responsabilisant chacun, soignants, patients, pouvoirs publics. Pour que la santé reste un droit fondamental, et non un privilège.