Un acte de terreur qui ébranle la Turquie. Mercredi dernier, un attentat dévastateur a frappé le cœur des industries de défense turques près d’Ankara, faisant 5 morts et 22 blessés. Derrière cette attaque choc, le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) a levé le voile, revendiquant sa responsabilité dans un message relayé sur Telegram. Un geste lourd de sens, destiné à interpeller avec fracas le gouvernement turc.
Une opération planifiée de longue date
Loin d’être un acte isolé ou improvisé, cet attentat sanglant s’inscrit, selon le PKK, dans une stratégie mûrement réfléchie. Le mouvement affirme que l’opération était “planifiée de longue date”, déconnectée des récents développements politiques en Turquie où semblait poindre une volonté de dialogue avec les combattants kurdes.
Pourtant, le timing interroge. Mardi, la veille de l’attaque, Devlet Bahçeli, chef du parti nationaliste MHP et principal allié du président Erdogan, avait tendu la main à Abdullah Öcalan, leader historique du PKK emprisonné. Une invitation à s’exprimer devant le Parlement pour annoncer la dissolution de son parti et renoncer au terrorisme. Le lendemain, son neveu Ömer Öcalan a pu lui rendre visite en prison, une première depuis mars 2020.
Un message de représailles
Mais pour le PKK, pas question de céder. L’attaque contre les industries de défense turques se veut un “message” cinglant adressé au gouvernement. Dans son communiqué, le mouvement dénonce “les pratiques génocidaires, les massacres et les pratiques d’isolement” d’Ankara. Il pointe du doigt les armes produites par TAI, cible de l’attentat, accusées d’avoir “massacré des milliers de civils au Kurdistan, y compris des enfants et des femmes”.
Nous savons que les armes produites par TAI ont massacré des milliers de nos civils au Kurdistan, y compris des enfants et des femmes.
– Communiqué du PKK
Face à ce qu’il considère comme un “droit légitime”, le PKK assume de frapper “les centres où ces armes de massacre sont produites”. Un acte revendiqué par une équipe du “Bataillon des Immortels”, mené par un homme et une femme dont les noms ont été révélés.
La riposte turque ne s’est pas fait attendre
Rapidement attribué au PKK par les autorités turques, l’attentat a déclenché une vague de représailles. Dès mercredi soir, une série de bombardements aériens a visé des positions du PKK en Irak et dans le nord de la Syrie. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), ces frappes auraient fait 27 morts parmi les civils. Ankara évoque pour sa part 59 “terroristes” tués, dont deux hauts responsables.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a salué l’intervention rapide des forces de sécurité contre les “terroristes”, soulignant que la kamikaze à l’origine de l’attaque s’était donné la mort. Mais au-delà de l’efficacité de la riposte, cette attaque ravive les tensions dans un contexte politique complexe.
Entre velléités de dialogue et poursuite du conflit
Malgré les signaux d’ouverture lancés par le pouvoir turc ces derniers jours, le PKK refuse tout amalgame. Il tient à distinguer clairement l’attentat d’Ankara du contexte politique marqué par un infléchissement des autorités en faveur d’une solution négociée. Une manière de rappeler que le chemin vers la paix reste semé d’embûches.
Car si Abdullah Öcalan, chef symbolique de la rébellion kurde, a pu recevoir pour la première fois depuis 2020 la visite de son neveu en prison, rien n’indique qu’il soit prêt à répondre favorablement aux appels du pied du gouvernement. Condamné à une lourde peine, maintenu à l’isolement sans perspective de libération, le sort du leader kurde cristallise les tensions.
L’attentat meurtrier d’Ankara vient donc brutalement rappeler que malgré les timides avancées politiques, le conflit kurde en Turquie est loin d’être résolu. Entre velléités de dialogue et poursuite des violences, la route vers une paix durable s’annonce encore longue et périlleuse. Un constat amer qui endeuille une nouvelle fois la société turque, prise en étau entre l’espoir d’un règlement pacifique et la réalité d’un conflit qui continue de faire couler le sang.