L’association Anticor, fer de lance de la lutte anti-corruption en France, traverse une période agitée. Après 3 années de purgatoire et une bataille acharnée pour retrouver son agrément, un nouveau coup dur vient de lui être porté. Le tribunal administratif de Paris a en effet annulé la semaine dernière l’autorisation dont elle bénéficiait auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Une décision lourde de conséquences pour l’avenir de l’association et son combat.
Un sésame crucial retiré
Depuis 2016, cet agrément permettait à Anticor de saisir directement la HATVP en cas de soupçons « d’atteinte à la probité, de situation de conflit d’intérêts, de non-respect des obligations de déclarations ou encore de règles dites de « pantouflage » » de la part de responsables publics. Un outil puissant pour mettre au jour d’éventuels manquements éthiques. Mais en octobre dernier, lorsque l’association demande le renouvellement de cet agrément, deux de ses anciens membres saisissent la justice pour s’y opposer.
La HATVP pointée du doigt
Selon les requérants, la Haute autorité n’aurait pas procédé à un examen approfondi de la demande de renouvellement d’Anticor. Elle se serait appuyée sur l’agrément anti-corruption octroyé par Matignon quelques mois plus tôt, en avril 2021. Problème : entre-temps, le tribunal administratif a annulé cet arrêté en première instance, décision confirmée en appel puis devant le Conseil d’État fin 2023. Dans ces conditions, les juges estiment que la HATVP « ne démontre pas (…) avoir examiné si l’association remplissait bien l’ensemble des conditions » requises. Ils décident donc d’invalider le précieux sésame.
Des dissensions internes
Si cette décision porte un nouveau coup à Anticor, son président Paul Cassia se veut rassurant. Il affirme qu’elle « est toutefois sans incidence sur l’activité de l’association« . Car entre-temps, après un long bras de fer et plusieurs revers devant la justice administrative, l’association a fini par récupérer son agrément en septembre dernier. Mais en coulisses, Anticor traverse une zone de turbulences. Certains dénoncent une politisation croissante et une dérive vers des carrières politiques. Des critiques qui ont conduit à des démissions et des divisions en interne.
« Anticor n’est pas au-dessus des lois« . Par ces mots, les détracteurs de l’association se réjouissent de la décision du tribunal.
Malgré ces remous, Anticor entend bien poursuivre son combat. Avec ses 7000 adhérents, l’association reste un acteur incontournable de la lutte anti-corruption. Elle peut toujours se constituer partie civile en cas d’inaction du parquet, un levier crucial dans les dossiers sensibles.
Mais cette nouvelle bataille judiciaire perdue sonne comme un avertissement. Pour peser, Anticor va devoir faire la preuve de son intégrité et de sa neutralité. Un défi d’autant plus grand dans un contexte de défiance généralisée envers les corps intermédiaires. L’avenir dira si ce coup dur n’était qu’une péripétie ou le signe annonciateur de lendemains plus difficiles pour la sentinelle de la probité publique.