Au cœur des institutions européennes, un homme tire discrètement les ficelles depuis plusieurs années. Manfred Weber, chrétien-démocrate allemand de 52 ans, est devenu incontournable au Parlement européen. Pourtant, il reste méconnu du grand public. Retour sur le parcours de cet eurodéputé discret mais influent, qui suscite autant le respect que la controverse.
L’ascension fulgurante du « faiseur de rois »
Manfred Weber siège au Parlement européen depuis 2004. En une décennie, il gravit les échelons pour devenir président du groupe du Parti populaire européen (PPE) en 2014. Ce groupe de droite est le premier groupe parlementaire, avec 188 élus. Une position stratégique qui permet à Weber de peser sur les débats et les votes.
Certains élus, à gauche comme au centre, lui reprochent son attitude ambiguë envers l’extrême droite. La co-présidente du groupe de gauche radicale, Manon Aubry, estime que c’est lui « qui fait la loi au Parlement européen » depuis cet été.
Des alliances controversées
Avec la montée de l’extrême droite qui compte désormais 187 parlementaires répartis dans trois groupes, la droite de Weber peut faire pencher la balance. Pour faire barrage aux lois environnementales par exemple, qu’il juge trop bureaucratiques et normatives, quitte à se rapprocher des eurodéputés d’extrême droite.
Des élus écologistes et centristes dénoncent le « double jeu » de Weber, libéral en Bavière mais prêt à courtiser l’extrême droite à Bruxelles. L’intéressé réfute ces accusations. Il dit s’opposer à la « véritable extrême droite » mais assume de travailler avec des partis plus conservateurs comme celui de Giorgia Meloni en Italie.
Je veux les diviser : il ne faut pas pousser Meloni vers le nationaliste hongrois Viktor Orban, mais intégrer l’Italienne et son approche conservatrice classique.
– Manfred Weber
Un engagement pro-européen en question
L’eurodéputé allemand assure rester attaché à une ligne pro-européenne, pro-Ukraine et pro-État de droit. Mais son passif avec Viktor Orban interroge. En 2019, il briguait le poste de président de la Commission européenne. Un échec cuisant, la fonction revenant finalement à une autre allemande de droite, Ursula von der Leyen.
Malgré les critiques, Manfred Weber savoure le pouvoir retrouvé de la droite dans les institutions européennes, avec une quinzaine de portefeuilles PPE dans la nouvelle Commission. Bientôt renforcé par un probable retour de la droite allemande au pouvoir à Berlin après les élections anticipées de février.
Un homme de terrain malgré tout
S’il semble aujourd’hui occuper une position enviable, Manfred Weber a souvent échoué à décrocher des responsabilités de premier plan, que ce soit à Bruxelles ou dans son pays. Ses détracteurs l’accusent de confondre son intérêt personnel avec l’intérêt général européen.
Mais « les décisions les plus importantes ne se prennent plus dans les capitales nationales, elles se prennent à Bruxelles et à Strasbourg », aime rappeler celui qui revendique son ancrage local. Ce catholique pratiquant rentre chaque dimanche dans son village bavarois pour assister à la messe et rencontrer des « gens normaux », loin de « la bulle bruxelloise ». Une façon de garder les pieds sur terre, pour cet eurodéputé pas tout à fait comme les autres.