Quand on pense aux plus hauts sommets de l’Himalaya, les noms de grands alpinistes occidentaux viennent souvent à l’esprit. Pourtant, dans l’ombre de ces explorateurs célèbres, œuvre depuis toujours une communauté indispensable à leurs exploits : les sherpas népalais. Porteurs, guides, secouristes… ces montagnards accomplis ont longtemps été les chevilles ouvrières méconnues de l’alpinisme himalayen. Mais aujourd’hui, les sherpas sortent de l’ombre et réalisent des prouesses qui forcent l’admiration du monde de la montagne. Portrait d’une reconquête.
Les sherpas, une ethnie d’altitude
Contrairement à une idée reçue, « sherpa » ne désigne pas un métier mais un peuple. Originaires du Tibet, les sherpas ont migré il y a plusieurs siècles vers les hautes vallées du Népal, s’adaptant à la vie en très haute altitude. Leur capacité à évoluer au-dessus de 5000 mètres en fait des alliés précieux pour les expéditions himalayennes depuis l’aube de l’alpinisme.
Mais pendant longtemps, leur rôle s’est cantonné à celui d’assistants, dans l’ombre des alpinistes venus d’Occident. Portage, installation des camps, cordes fixes… un travail essentiel mais ingrat et risqué, pour une reconnaissance limitée et des salaires bas comparés aux budgets des expéditions.
Vers une professionnalisation
Les choses ont progressivement évolué à partir des années 1990. Devant la demande croissante d’expéditions commerciales sur l’Everest, les sherpas les plus expérimentés ont pu monnayer leurs compétences et s’imposer comme des guides à part entière. Certains comme Apa Sherpa ou Kami Rita ont multiplié les ascensions et battu des records, faisant connaître leur peuple.
Les sherpas ne sont plus juste des porteurs, mais des alpinistes accomplis, capables des plus hauts exploits.
Kami Rita Sherpa, recordman des ascensions de l’Everest
Sherpas de records
Ces dernières années ont vu l’émergence d’une génération de sherpas prêts à repousser les limites. En 2019, Nirmal Purja a stupéfié en gravissant les 14 sommets de plus de 8000 mètres en seulement 6 mois, battant de nombreux records de vitesse. Son exploit a placé les sherpas sur le devant de la scène.
D’autres comme Mingma Gyalje ou Gelje Sherpa enchaînent les premières et les itinéraires extrêmes, sur des sommets redoutés comme le K2 ou le Nanga Parbat. Une prise de risque assumée et un très haut niveau qui imposent le respect.
Pionnières de l’Himalaya
Les femmes sherpas ne sont pas en reste. En 1993, Pasang Lhamu Sherpa devenait la première népalaise au sommet de l’Everest, ouvrant la voie. Aujourd’hui, Lhakpa Sherpa détient le record féminin avec 10 ascensions. Preuve que l’alpinisme permet aussi une émancipation dans une société traditionnelle.
Je veux montrer que les femmes sherpas sont capables de grandes choses en montagne.
Dawa Yangzum Sherpa, guide et alpiniste
La fierté d’un peuple
Ces succès sont une immense source de fierté pour la communauté sherpa. Dans les villages du Khumbu, les photos des alpinistes célèbres s’affichent partout. Des écoles d’escalade se montent pour faire émerger de nouveaux talents. Les sherpas veulent montrer qu’ils sont les rois de l’Himalaya.
Mais au-delà des exploits, c’est toute la culture sherpa qui gagne en reconnaissance. Leur relation unique à la montagne, mêlant exploit physique et spiritualité, fascine. Des livres et des documentaires leur sont consacrés, faisant découvrir leur mode de vie au plus grand nombre.
Sans les sherpas, l’himalayisme n’existerait pas. Il est temps que le monde reconnaisse tout ce que nous avons apporté.
Phurba Tashi Sherpa, célèbre Sirdar
Avec cette nouvelle génération d’alpinistes sherpas prêts à repousser les limites, nul doute que l’histoire de l’himalayisme est en train de s’écrire. Mais cette fois, les véritables héros de l’Himalaya seront à la première place.