Arahmaiani, artiste indonésienne aux multiples facettes, a marqué l’art contemporain de son pays par ses engagements. Retour sur le parcours hors norme d’une femme qui a consacré sa vie à défendre la liberté d’expression et la tolérance à travers son art.
Une artiste militante dès le début
Née en 1961 à Bandung, Arahmaiani se fait remarquer très tôt pour ses prises de position. Encore étudiante, elle est brièvement emprisonnée en 1983 suite aux plaintes de partis islamistes contre son travail jugé provocateur. Mais cela ne l’empêche pas de continuer à créer des œuvres engagées.
Dans les années 90, ses peintures et installations mêlant symboles islamiques, culture occidentale et sexualité déclenchent de vives polémiques. Menacée de mort, Arahmaiani doit s’exiler un temps en Australie. C’est le début d’une vie nomade pour cette artiste qui n’a cessé de repousser les limites.
Un combat pour la tolérance religieuse
De retour en Indonésie, Arahmaiani continue de questionner la place de la religion dans la société à travers ses œuvres. Elle réintroduit notamment d’anciens symboles hindouistes de l’équilibre et de la fertilité, les Lingga et Yoni, oubliés dans ce pays devenu majoritairement musulman.
C’est une connaissance importante, je veux rappeler ce patrimoine culturel oublié à moi-même et aux autres.
Arahmaiani
Pour elle, la liberté devrait exister pour tous, y compris les femmes, sur la base religieuse de l’amour et de la compassion. Un message qui ne passe pas toujours dans son pays, ni même à l’étranger où être une femme musulmane peut aussi être stigmatisant, comme elle le dénonce dans son installation « 11 Juni 2002 ».
L’art comme moyen de guérison et de dialogue
Au-delà de la provocation, Arahmaiani voit aussi dans l’art un moyen d’inspirer le changement et d’apaiser les traumatismes. Sa performance « Burning Country », présentée récemment à Londres, évoque ainsi les violences subies par la communauté chinoise en Indonésie en 1998. Un processus cathartique pour panser les plaies encore vives.
En 2006, elle lance le « Flag Project », des performances spectaculaires visant à favoriser le dialogue au sein des communautés. Un projet qu’elle répliquera dans plusieurs pays, notamment au Tibet où elle s’implique pour la défense de l’environnement, autre combat cher à ses yeux.
Une héroïne et un modèle pour la jeune génération
Aujourd’hui âgée de 63 ans, Arahmaiani continue inlassablement ses combats à travers son art. Si elle est davantage reconnue à l’étranger que dans son propre pays, elle reste une figure inspirante pour la jeune génération d’artistes indonésiens.
Pour les jeunes, Yani est une héroïne, elle est libre. C’est une combattante depuis l’université.
Nasir Tamara, commissaire d’exposition
Comparée à la mexicaine Frida Kahlo pour son parcours d’artiste engagée et briseuse de tabous, Arahmaiani n’a pas fini de faire parler d’elle. Son prochain projet ? Les dynasties politiques, un sujet plus que jamais d’actualité en Indonésie. Nul doute que son regard sans concession continuera de bousculer le statu quo.