Dans notre société hyperconnectée, où les écrans envahissent chaque recoin de nos vies, une question brûlante se pose : sommes-nous encore capables d’apprécier l’art et la beauté dans toute leur profondeur ? C’est le sujet qu’explore avec finesse le philosophe Benjamin Olivennes dans son ouvrage “L’Autre Art contemporain”. Selon lui, la révolution numérique n’a pas sonné le glas de la sensibilité esthétique, mais elle nous invite à repenser en profondeur notre rapport à l’art.
Le règne de l’immédiateté
Benjamin Olivennes pointe du doigt l’un des effets pervers de l’ère numérique : la perte d’un rapport immédiat et authentique au réel. Scotchés à nos smartphones, nous vivons dans un monde d’images et de stimuli incessants, qui capturent notre attention mais nous détournent de l’essentiel.
Le grand perdant de cette révolution est moins l’art ou la beauté à proprement parler qu’un rapport plus immédiat au monde qui nous entoure.
Benjamin Olivennes
Cette tyrannie de l’instantané n’épargne pas le domaine artistique. Sur les réseaux sociaux, l’art se consomme souvent de façon superficielle et éphémère, au détriment d’une contemplation plus profonde et exigeante. Mais faut-il pour autant céder au pessimisme et penser que l’art n’a plus sa place à l’ère du tout-numérique ?
L’art, un antidote à la dispersion
Loin de signer l’arrêt de mort de l’art, la révolution des écrans pourrait au contraire lui donner un nouveau souffle. Face à la fragmentation de notre attention et à la surcharge informationnelle, l’expérience esthétique s’affirme plus que jamais comme un précieux espace de résistance et de reconquête du réel.
Comme le souligne Benjamin Olivennes, l’art nous invite à suspendre le flux ininterrompu des images pour nous reconnecter à l’intensité d’un instant, d’une émotion, d’une présence au monde. Que ce soit devant un tableau, au concert ou au musée, la rencontre avec l’œuvre exige de nous une qualité d’attention et une disponibilité intérieure qui tranchent avec l’agitation ambiante.
Les musées, temples de la slow attention
Dans ce contexte, les musées ont un rôle essentiel à jouer. Loin d’être des lieux poussiéreux et dépassés, ils offrent une parenthèse salvatrice dans nos vies à cent à l’heure. En poussant leurs portes, nous acceptons de mettre entre parenthèses l’urgence du monde pour nous ouvrir à un autre rythme, celui de la contemplation et de l’intériorité.
Des initiatives comme le Slow Art Day, qui invite les visiteurs à passer 10 minutes devant chaque œuvre, témoignent de cette soif de ralentissement et d’attention consciente. En cultivant une relation plus intense et incarnée à l’art, nous réapprenons à habiter pleinement le moment présent et à éprouver la beauté dans toute son épaisseur.
Réenchanter notre rapport au monde
Ainsi, l’art se révèle comme un formidable antidote à la dispersion numérique. Loin de nous couper du réel, il nous aide au contraire à le réinvestir avec une acuité nouvelle. En aiguisant nos sens et notre sensibilité, l’expérience esthétique nous rend plus attentifs aux détails, aux textures, aux nuances qui composent notre environnement quotidien.
C’est tout le paradoxe de l’art contemporain. Souvent accusé d’être élitiste et déconnecté, il porte en réalité une puissante charge de réenchantement. En bousculant nos perceptions et nos certitudes, il nous pousse à regarder le monde d’un œil neuf, à l’explorer dans toute sa richesse et sa complexité.
Alors, à l’heure où les écrans menacent de nous submerger, offrons-nous des moments de pause et de contemplation. Poussons la porte des musées, des galeries, des théâtres, pour y puiser de nouvelles sources d’émerveillement et de vitalité. Car c’est en cultivant notre sensibilité esthétique que nous pourrons, plus que jamais, habiter poétiquement le monde.