La dessinatrice franco-libanaise Zeina Abirached est bien connue pour ses bandes dessinées autobiographiques qui évoquent avec sensibilité et humour son enfance dans un Liban déchiré par la guerre civile. Alors que son pays natal est à nouveau frappé par les bombes, elle sent ressurgir en elle ce « chemin de la peur » si familier. Pourtant, à travers son art, Zeina Abirached continue à chercher la lumière et à transmettre un message d’espoir.
Une enfance marquée par la guerre du Liban
Née en 1981 à Beyrouth, Zeina Abirached a grandi au cœur de la guerre civile libanaise qui a ravagé le pays de 1975 à 1990. Dans ses bandes dessinées à succès comme “Mourir partir revenir, Le jeu des hirondelles” ou “Je me souviens (Beyrouth)”, elle raconte avec tendresse et pudeur le quotidien de sa famille durant cette période troublée.
Malgré la noirceur de cette époque, l’autrice parvient à insuffler de la poésie et de l’humour dans ses récits. Elle se souvient ainsi avec malice comment, dans ses yeux d’enfant, la voiture criblée de balles de sa mère était “bleue à pois blancs”.
Le pouvoir de l’art face à l’angoisse
Aujourd’hui, alors que le Liban est à nouveau le théâtre de violents affrontements, Zeina Abirached avoue avoir été surprise de voir resurgir intacte cette peur qu’elle pensait avoir soignée et racontée. La peur de perdre ses proches, mais aussi son pays et le paysage familier d’une ville bombardée.
Pour tenir à distance l’angoisse, la dessinatrice s’appuie sur les mots réconfortants de sa mère, qui l’encourage à “vivre dans les interstices”, c’est-à-dire à continuer à ressentir la joie et le plaisir malgré la guerre. Une forme de résistance qu’elle exprime à travers son art en envoyant à ses proches des images des belles choses qu’elle voit.
Il faut vivre dans les interstices, continuer à regarder l’horizon, à ressentir les choses, de la joie, du plaisir malgré la guerre. C’est une forme de résistance.
Zeina Abirached
“Le Prophète” de Khalil Gibran, un refuge poétique
Ces derniers temps, Zeina Abirached a aussi trouvé du réconfort dans la poésie de son compatriote Khalil Gibran, dont elle vient de publier une version entièrement dessinée de son célèbre recueil “Le Prophète”. Porteurs d’espoir et de sagesse, ces textes sont pour elle “un refuge dans les moments qu’on traverse”.
Invitée au festival “Les nouvelles rencontres d’Averroès” à Marseille, la dessinatrice a lu des extraits du “Prophète” accompagnée par la chanteuse Tania Saleh, sur fond de ses dessins projetés en noir et blanc. Un choix esthétique assumé qui permet selon elle aux lecteurs de se réapproprier ses œuvres et d’y projeter leurs propres nuances.
Raconter l’horreur sans perdre la lumière
Malgré les tragédies qui frappent à nouveau sa terre natale, Zeina Abirached veut garder espoir. Si elle a temporairement interrompu son travail en cours, bouleversée par l’actualité, elle compte bien reprendre la plume quand elle se sentira capable de raconter l’horreur sans occulter la lumière.
Je pense que le bon moment pour moi, c’est celui où j’arrive à raconter une histoire terrible, mais avec de la lumière. Oui, avec de la lumière. Et pour ça, il faut du temps.
Zeina Abirached
À travers son parcours et son œuvre, Zeina Abirached nous offre une magistrale leçon de résilience. Son art devient le témoin sensible d’une enfance marquée par la guerre, mais aussi un formidable outil pour transcender la noirceur et rallumer l’espoir. Un exemple inspirant qui nous rappelle le pouvoir salvateur de la création en temps de crise.