En décembre 1995, une décision de justice européenne allait changer la face du football à tout jamais : l’arrêt Bosman. Du nom du footballeur belge Jean-Marc Bosman qui contestait les règles sur les transferts de joueurs, ce verdict a eu un impact considérable sur le monde du ballon rond, et particulièrement sur la prestigieuse Ligue des champions. Alors que cette compétition reine fête ses 30 ans, retour sur une révolution qui a laissé des traces…
La fin des quotas et des indemnités, la porte ouverte aux déséquilibres
Avant l’arrêt Bosman, les équipes étaient limitées à aligner seulement 3 joueurs étrangers sur le terrain. Et lorsqu’un joueur arrivait en fin de contrat, son club pouvait exiger une indemnité de transfert pour le laisser partir. Deux règles qui permettaient de maintenir un certain équilibre entre les clubs et de préserver les talents locaux.
Mais la décision de la Cour de justice européenne a balayé ces restrictions au nom de la libre circulation des travailleurs. Résultat, les clubs ont pu recruter autant de joueurs européens qu’ils le souhaitaient, sans avoir à payer d’indemnités pour ceux en fin de contrat. Une aubaine pour les équipes les plus riches qui ont pu s’offrir les meilleurs éléments du continent.
La Ligue des champions, miroir grossissant des inégalités
C’est en Ligue des champions que les effets de l’arrêt Bosman ont été les plus visibles. Avant 1995, la compétition voyait régulièrement des clubs de « petits » pays créer la surprise et triompher, à l’image de l’Étoile Rouge de Belgrade en 1991 ou du Steaua Bucarest en 1986. Mais depuis la libéralisation des transferts, la donne a changé.
Les plus grands clubs européens, aux moyens financiers démesurés, ont pu concentrer les meilleurs talents dans leurs effectifs, laissant des miettes à leurs concurrents moins fortunés. Depuis 1996, le palmarès de la Ligue des champions est trusté par une poignée de mastodontes : Real Madrid, Barça, Bayern, Manchester United, Liverpool… Presque toujours les mêmes.
Ce n’est plus une compétition équilibrée. Quelques clubs ont pris le contrôle total. Pour les autres, c’est mission impossible.
Un ancien dirigeant de club ayant requis l’anonymat
Un désenchantement des supporters
Au-delà des résultats, c’est l’identité même des clubs qui a été bouleversée par l’arrêt Bosman. Auparavant, chaque équipe cultivait un style de jeu lié à ses racines nationales ou locales, renforcé par la présence de nombreux joueurs du cru. Aujourd’hui, les effectifs cosmopolites se ressemblent d’un club à l’autre.
Une uniformisation qui a fini par lasser certains supporters nostalgiques, regrettant le folklore d’antan et le sentiment de fierté procurés par des succès avec des joueurs « maison ». Beaucoup se sont détournés d’une Ligue des champions perçue comme trop prévisible et déconnectée des territoires.
Quelques réussites à contre-courant
Heureusement, dans ce panorama assez sombre, quelques lumières viennent parfois rappeler que les miracles restent possibles. On pense notamment à la victoire surprise du FC Porto en 2004 avec un collectif essentiellement portugais. Ou au brillant parcours de l’Ajax Amsterdam en 2019, porté par un groupe de jeunes pépites locales.
Des épopées qui prouvent que le talent et l’esprit d’équipe peuvent encore renverser des montagnes en Ligue des champions. Mais des exceptions de plus en plus rares dans un monde du foot où l’arrêt Bosman a rebattu les cartes en profondeur. Laissant les « petits » clubs européens davantage spectateurs qu’acteurs de la grande fête du ballon rond…